Ikea reconnaît que des prisonniers de RDA ont travaillé sur ses meubles

[16/11/2012 16:48:19] BERLIN (AFP) Le géant suédois du meuble, Ikea, a regretté vendredi que certains de ses fournisseurs aient fait travailler des prisonniers politiques en RDA, en présentant une enquête qu’il avait commandée et qui soulève les critiques.

Exprimant ses “regrets”, Ikea a dévoilé à Berlin les résultats d’une étude confiée au cabinet de conseil Ernst & Young.

Elle montre “que des prisonniers politiques et des détenus ont participé en partie à la production de composants ou de meubles, qui ont été livrés à Ikea il y a 25 à 30 ans”, a admis le roi du meuble en kit.

Il est également démontré que les représentants d’Ikea étaient au courant de cette possibilité du recours à des détenus.

“La société avait pris des mesures pour s’assurer que des prisonniers n’étaient pas utilisés, mais il est maintenant clair que ces mesures n’étaient pas suffisamment efficaces”, a expliqué Ikea.

“A cette époque, nous n’avions pas encore les systèmes de contrôle développés actuels et nous n’avons manifestement pas fait assez pour empêcher de telles méthodes de production”, a regretté Jeanette Skjelmose, responsable Développement durable chez Ikea, lors d’une conférence de presse.

L’enquête d’Ernst & Young a été menée depuis mai sur environ 20.000 documents provenant des archives internes d’Ikea et quelque 80.000 pièces des archives allemandes.

En outre, le cabinet a conduit environ 90 entretiens avec différents employés d’Ikea et des anciens prisonniers de RDA.

“Nous regrettons énormément que cela se soit produit. A aucun moment, l’emploi de prisonniers politiques dans la production n’a été accepté par Ikea”, a assuré Mme Skjelmose.

Cela “n’a, jamais et à aucun moment, été acceptable”, a renchéri Peter Betzel, patron de la filiale allemande du groupe de meubles.

Avant même sa publication, cette étude a fait l’objet de vives critiques en Allemagne.

L’Association d’aide aux victimes de la RDA a reproché à Ikea “une mise en scène non scientifique” et déploré, dans un communiqué, que le groupe ait confié les recherches au cabinet de conseil Ernst & Young, “probablement moyennant finance”, et non à des historiens indépendants.

“Il aurait été plus simple de nous solliciter, parce que nous sommes compétents sur ce sujet”, a aussi regretté Klaus Schröder, directeur d’un centre de recherche sur le régime communiste de la RDA au sein de l’Université Libre (FU) de Berlin, dans un communiqué séparé.

Selon la presse allemande, d’autres groupes ont eu recours à de la main-d’oeuvre forcée en Allemagne de l’est, notamment les entreprises ouest-allemandes de vente par correspondance Neckermann et Quelle, aujourd’hui en faillite.

Le responsable gouvernemental des archives de la Stasi, la police politique du régime est-allemand, Roland Jahn, a réclamé que la lumière soit faite sur ce “chapitre sombre de la dictature de RDA”.

L’étude d’Ikea devrait être le “début d’un travail systématique, mais aussi scientifique sur cette problématique”, a renchéri Rainer Wagner, le président de l’Union des organisations allemandes de victimes de la tyrannie communiste (UOKG), voyant dans Ikea un “précurseur” et invitant les autres entreprises concernées à faire de même.

L’UOKG et les diverses associations de victimes de la RDA réclament la création d’un fonds d’indemnisation pour les anciens travailleurs forcés.