Il suffit de regarder la grille des programmes télévisés pour remarquer que les télévisions tunisiennes penchent pour des émissions qui coûtent le moins cher. Talk shows, téléréalités et émissions de débats politiques dominent les grilles.
Produire au moindre coût. Voilà ce qui semble être devenu le leitmotiv de nos chaînes de télévisons aussi bien publiques que privées. Signe de cette recherche constante du low cost audiovisuel: la quasi-absence des productions de variétés, feuilletons ou encore de téléfilms et l’achat de programmes nouveaux de cette catégorie.
Pour s’en convaincre, il suffit de regarder la grille des programmes des uns et des autres. D’Al Watanya 1 à Hannibal Tv en passant par Nessma Tv, Altounoussya et Tounessna. Une lecture des grilles montre en effet que certaines catégories de programmes sont en train de dominer.
Mais quels sont les programmes privilégiés par nos programmeurs? Réponse: les programmes de talk show, de téléréalités et de débats. Le tout packagé à la sauce des rediffusions: entre 20 et 30% de la grille.
La Tunisie ne fait pas exception
On pourra dire que ces types de programmes sont dans l’air du temps. Il suffit de regarder toutes les télévisions européennes et nord-américaines pour s’assurer que ces émissions, sorties des cartons de certaines sociétés de production, comme le hollandais Endemol, font quasiment l’unanimité. De ce fait, la Tunisie ne fait pas exception: les résultats des mesures d’audience prouvent que se sont des émissions de cette catégorie qui font les meilleures audiences.
Cependant, la course à l’audience n’explique pas à elle seule cette propension des chaînes de télévision tunisiennes à vouloir produire débats politiques, talk shows ou encore téléréalités. La vraie raison est que ces émissions ne sont pas chères. Un studio et des éléments de décors maison recyclés dans tout type d’émission et une équipe plus ou moins réduite: un producteur, une équipe d’assistants de production, des cameramen, des électriciens … tous, pour l’essentiel, salariés et travaillant intramuros dans le cadre de leur dû. Et des invités qui viennent gratos.
Rien à voir avec les autres émissions comme les grandes variétés qui exigent des déplacements de matériels et de personnels, le transport du public, souvent payé, l’invitation d’artistes venus de l’étranger (hébergement, per diem,…), location de studios et de matériels techniques (comme des cars régies, des groupes électroniques…)
Jusqu’à 4 à 5 millions de dinars
Rien à voir également avec la production de feuilletons ou de téléfilms qui peuvent occasionner un investissement de 4 à 5 millions de dinars, voire plus. Idem pour le recours à l’achat de programmes, notamment les feuilletons et films étrangers. Les prix de ces productions, particulièrement lorsqu’il s’agit de feuilletons et de films diffusés en exclusivité (du reste fait rare dans l’histoire de la radio et de la télévision tunisiennes) coûtent les yeux de la tête.
Evoquons par contre les productions de cette catégorie déjà diffusées et, pour l’essentiel, largement «amorties» grâce à une diffusion préalablement à leur achat par les télévisions tunisiennes dans de grandes chaînes moyen-orientales. Savez-vous combien coûte aujourd’hui un feuilleton arabe de cette dernière catégorie? Parlons heure de télévision, unité de compte, pour ainsi dire, dans l’audiovisuel: 3.000 dollars (environ 4.700 dinars). Un film ou un téléfilm coûte bien plus cher: 10.000 dollars (environ 15.900 dinars). On peut avoir pour moins cher. Mais on tombe automatiquement si on le fait dans des films bien anciens qui ont été vus et revus. Et que personne n’est prêt à regarder. Dur dur lorsqu’on souhaite faire de l’audimat.
Une décision fatale !
Et précision importante que nombre de téléspectateurs ne connaissent pas: la télévision qui fait l’acquisition de ces programmes se doit de payer toute rediffusion.
Mais il y a plus grave lorsqu’on souhaite faire du low cost audiovisuel: décourager de nombreuses sociétés de production privées tunisiennes qui font de la création et qui n’ont plus de ce fait droit au chapitre dans ce domaine. Celles-ci emploient, de plus, souvent de nombreux diplômés du supérieur (journalistes, techniciens de l’audiovisuel, designers, architectes, décorateurs…). Déjà la disparition de l’ANPA (Agence Nationale pour la Promotion Audiovisuelle), censée être un instrument de promotion de l’audiovisuel privé du temps déjà du président déchu (2007) a été un coup dur pour la création audiovisuelle en Tunisie. Bien plus: elle a été fatale!