La Tunisie, forte de son potentiel solaire (pays naturellement très ensoleillé..), est en mesure de faire une grande révolution dans la production du photovoltaïque (énergie récupérée et transformée directement en électricité à partir de la lumière du soleil par des panneaux photovoltaique), et partant assurer son indépendance énergétique et pérenniser certaines industries annexes. C’est ce que pense l’expert international en solutions énergies renouvelables et en fabrication des semi-conducteurs et des technologies photovoltaïques, Hassen Mcharek.
La tâche ne semble difficile, car le pays est doté des circuits d’approvisionnement nécessaires (gaz, verre, intégrateurs, ingénierie civile, etc.) pour la mise en place des panneaux photovoltaïques utilisant la technologie à base de Silicium ou à “couche mince”. Cette technologie utilise simplement un substrat de verre dont les coûts d’exploitation sont parmi les plus bas sur le marché mondial.
Selon lui, pour optimiser les projets énergétiques, il faut donner la priorité à des projets favorisant la création d’une véritable industrie à haute valeur ajoutée ” Made in Tunisia”.
Les projets d’énergie photovoltaïque (PV) sont plus faciles et plus rapides à mettre en œuvre et à des coûts moindres, et permettent un transfert de haute technologie avec des lignes de Recherches et développements associées.
Le pays s’est déjà lancé, dans un méga-projet de production d’énergie solaire destinée à l’exportation vers l’Europe (en phase de négociation), en l’occurrence le projet “TuNur” qui consiste à produire de l’électricité en utilisant la technologie CSP (Concentration de l’énergie solaire) installée dans le désert tunisien.
Toutefois, il estime que ce projet d’exportation d’énergie solaire d’une capacité de 2.000 mégawatts, très attendu par les Européens et qui pourrait aussi satisfaire une partie de la demande sur le marché local (2.000 mégawatts), n’est pas le plus adapté aux besoins de la Tunisie en matière d’emploi et de transfert technologique, aux yeux de l’expert. Et d’expliquer que “la technologie CSP ne serait pas adéquate pour combler les besoins de la Tunisie en matière de création d’emplois pérennes à forte valeur ajoutée”.
Pourquoi? Parce que “la concentration d’énergie solaire se fait, techniquement, à l’aide de miroirs réfléchissant les rayons de soleil vers un liquide caloporteur générant de la vapeur pour faire tourner une turbine génératrice d’électricité”, et de ce fait, “cette technologie, essentiellement mécanique, ne nécessite pas de main-d’œuvre hautement qualifiée ni pérenne. Les emplois sont certes nombreux pendant les phases d’installation, mais une fois le projet démarré, quelques dizaines de personnes suffisent pour exploiter l’installation”.
“Par ailleurs, aucun apport technologique important pouvant contribuer à la création d’une industrie locale n’est présent, ni la création de recherches et développements (R&D) dans ce type d’opération”, ajoute-t-il.
L’énergie solaire et le photovoltaïque, quels avantages?
D’après l’expert, “les projets photovoltaïques ont pour avantages d’aller au-delà de la création d’emplois temporaires lors de l’installation et de l’exploitation des panneaux solaires et des fermes de concentration d’énergie, pour créer des unités annexes de fabrication et générer des emplois à haute technicité (doctorants, ingénieurs, techniciens supérieurs…).
L’énergie CSP (Concentrate Solar Power) reste, quant à elle, une solution d’assemblage d’éléments mécaniques pouvant être fabriqués localement sans, pour autant, apporter une valeur ajoutée pour la Tunisie, selon M. Mcharek. “Ceci n’occulte pas l’avantage de cette énergie (CSP) en tant qu’une bonne source d’électricité verte”, a-t-il dit, mettant pourtant en question la capacité de production d’électricité des projets tels “TuNur” très sensible à l’aveuglement des miroirs dû au dépôt de poussière et de sable surtout dans le désert. Le coût opérationnel serait très important pour ce genre de projets ainsi que la consommation d’eau nécessaire au refroidissement.
Pour l’expert tunisien, “commercialement, le photovoltaique a remporté la course, mais les projets d’énergie solaire concentrée continuent à être entrepris en raison de la prédisposition de la Banque mondiale (BM)à financer et à encourager les projets aux technologies propres”. Pour autant, “en Afrique du Nord, la BM ne finance, jusqu’à présent, que des projets de CSP”, regrette l’expert.
Ainsi, de nombreux projets solaires sont réalisés dans la région dans le cadre de Desertec avec l’objectif à terme de doter l’Europe de 15% de ses besoins en électricité à partir de l’Afrique du Nord.
M. Mcharek se demande alors pourquoi restreindre ses options étant donné que la Tunisie pourrait, en parallèle, tirer profit de l’aptitude des investisseurs à réaliser des projets photovoltaïques dont les coûts sont abordables et qui permettent un gain rapide et profite à toute la chaîne de production.
A l’échelle planétaire, il estime que le photovoltaïque demeure (sous toutes ses formes technologiques), la technologie qui a le plus progressé par rapport à l’éolien, l’hydraulique et le CSP.
La Concentration de l’énergie solaire et le photovoltaïque, le choix des investisseurs
M. Mcharek a relevé que les promoteurs de projets énergétiques considèrent essentiellement les facteurs suivants dans leur décision d’investissement: le cadre réglementaire (subventions, tarif de rachat …) le coût par watt, la capacité de production annuelle et les services auxiliaires. Pour eux, le coût compétitif de l’énergie est le paramètre le plus important pour le choix de la technologie. Comparé à celui des technologies CSP, le prix des installations photovoltaïques est inférieur et continue à baisser.
Donc, “si la Tunisie veut joindre la nécessité de développement durable à la création d’emplois de haute technologie, par la promotion des énergies propres, il faut promouvoir les solutions technologiques qui permettent la réalisation de cet objectif, et ce en créant des industries corollaires à haute valeur ajoutée”.
Le pays gagnerait, pour cela, à se lancer dans des projets photovoltaïques”, a conclu l’expert international.
En Tunisie, seulement 2% de la production d’électricité est assurée actuellement par les énergies renouvelables, soit 176 mégawatts sur une production de 4% prévue pour les projets déjà installés.