Noyée sous la dette, la ville de Jerez tente de retrouver sa splendeur malgré la grogne

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échets, le 21 novembre 2012 (Photo : Cristina Quicler)

[22/11/2012 19:24:14] JEREZ DE LA FRONTERA (Espagne) (AFP) Plombée par une dette record, agitée par les conflits sociaux, la ville de Jerez de la Frontera, connue pour son art équestre et ses caves, se débat pour assainir ses comptes publics et trouver un nouveau moteur économique dans une Espagne en crise.

“Ici tout a été surdimensionné: on a créé une bulle pendant 25 ans qui a explosé”, analyse Antonio Saldana, le maire adjoint, dans son bureau de l’ancien hôpital abritant un apaisant patio andalou, qui sert de mairie depuis plus d’un siècle.

En mai 2011, les électeurs de cette ville du sud de l’Espagne, aux ruelles étroites et citée comme l’un des berceaux du flamenco, ont donné le pouvoir aux conservateurs du Parti populaire (PP), qui dirige le pays.

Succédant aux socialistes et, avant eux, à 23 ans de pouvoir ininterrompu d’un maire de gauche et nationaliste andalou, Pedro Pacheco, la nouvelle équipe municipale a immédiatement dénoncé l’état des finances publiques locales.

Partout en Espagne, l’éclatement de la bulle immobilière en 2008 après plus d’une décennie de croissance soutenue par la construction a fait exploser le chômage, jusqu’à 25%, et ravagé les comptes publics.

Mais de l’aveu même de ses dirigeants, la ville de 210.000 habitantes détient un triste record: “Jerez affiche une dette d’un milliard d’euros, la plus importante par habitant en Espagne”, explique Antonio Saldana.

“La crise de Jerez est née ces trente dernières années et provient principalement de la perte de marché des caves” vinicoles, affirme Francisco Domouso, directeur de l’organisation caritative Caritas dans la province.

“Au-dessus de nos moyens”

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échets, le 21 novembre 2012 (Photo : Cristina Quicler)

Fier de ses célèbres “bodegas”, le secteur vinicole de Jerez employait directement 22.000 personnes avant de péricliter, selon M. Domouso, jusqu’à environ un millier de salariés aujourd’hui.

“On l’a en partie remplacé par le tourisme et surtout par la construction”, poursuit-il. Et le “secteur public est devenu le moteur… jusqu’à ce qu’on arrête de le financer”.

Alimentées par les revenus tirés de l’immobilier, particulièrement généreux dans cette municipalité au territoire très étendu, les dépenses pour soutenir l’emploi public ont explosé pendant le boom.

A la mairie, “plus de 40 personnes étaient payées plus de 100.000 euros”, affirme M. Saldana.

La nouvelle équipe municipale a réduit la masse salariale, de 2,634 millions d’euros en 2010 à 774.010 euros en 2012.

“Nous avons vécu au-dessus de nos moyens”, poursuit-il, dénonçant les “investissements pharaoniques”.

Jerez a investi dans de grands projets, comme un circuit de vitesse, qui accueille des courses de moto et des essais de Formule 1, aujourd’hui en cessation de paiement.

Affirmant vouloir assainir les comptes, la nouvelle équipe a décidé des coupes budgétaires dures: 260 postes municipaux supprimés sur 2.000, réduction de 20% du budget 2013 pour les entreprises sous-traitantes…

De quoi alimenter les conflits sociaux, le plus récent et spectaculaire étant celui des éboueurs, dont la grève de 20 jours, qui devait se terminer jeudi, a laissé les rues jonchées de tonnes de détritus.

Pompiers, femmes de ménage des écoles, égoutiers… les grèves de multiples corps de métier agitent depuis des mois les rues pavées de la belle cité.

Et les coupes dans le budget municipal, associées à celles décidées par Madrid, frappent durement la population qui compte environ 34.000 chômeurs, le taux de sans-emploi dans la province bondissant à 35%.

“La situation est très inquiétante car nous sommes dans l’épicentre d’une crise énorme”, souligne Francisco Domouso, dont l’organisation Caritas a destiné deux milliards d’euros en 2011 à son oeuvre sociale à Jerez, avec l’alimentation en tête des dépenses.

“Mais nous avons les ressources, nous avons les moyens pour nous en sortir”, estime-t-il. “Ce dont nous avons avant tout besoin, c’est de retrouver notre orgueil en tant que ville, puis que les responsables politiques se mettent enfin d’accord: nous avons besoin d’un pacte social.”