Est-il plausible et possible que les pays arabes arrivent à adopter une position commune sans tomber dans le piège de l’unionisme et sans buter sur le problème du leadership? L’Organisation de l’Unité arabe peut-elle jouer ce rôle? Peut-on espérer aller vers l’intégration économique et enfin une diplomatie commune, à la faveur du printemps arabe?
Les pays arabes ont longtemps été victimes de l’unionisme. Chaque fois qu’ils ont cherché à adopter une attitude commune, ils ont buté sur le préalable de la fusion. Et souvent leurs tentatives de rapprochement ont échoué. On voit partout ailleurs, au sein de grands ensembles géoéconomiques, tels le Mercosur ou l’Asean, des pays s’entendre, sur des positions communes sans aller jusqu’à unifier, obligatoirement, leur pays.
La dynamique du printemps arabe a mis à jour les plaies réelles et durables de notre espace géographique: la soif de démocratie et l’appel de développement. Pouvons-nous espérer voir se forger une démarche commune, concrète et pragmatique, sans réveiller nos vieux démons de l’unionisme, lesquels relèvent d’une obsession quasi maladive et d’une culture de l’inefficacité?
Un marché arabe commun et pourquoi pas une «EXIMBANK» arabe
A moins de se réfugier dans la cécité mais les pays arabes, malgré le dénominateur commun de l’identité, c’est-à-dire la communauté de langue et de religion, ont eu suffisamment d’échecs pour abandonner momentanément l’idée du destin commun. Les nationalismes sont là et ils empêchent cette confusion, irréaliste de la destinée unique. Peuvent-ils, en revanche, avoir une communauté d’intérêts. La plupart sont en mal de développement. Cela suffit à constituer une plateforme d’entente économique.
Prenons une hypothèse de travail. La population du Maghreb représente 2% de la population mondiale, mais elle achète 15% du blé mondial. Est-ce qu’une centrale d’achat arabe pour les matières premières et marchandises peut aboutir à un consensus? David Lipton, bras droit de Christine Lagarde, DG du FMI, était parmi nous le 14 novembre et nous a signifié que notre perspective de développement est réduite, pour cette année et l’année à venir. Et il recommande aux pays de MENA du moins, et cela peut s’appliquer à l’ensemble des pays arabes, d’accélérer leur rapprochement commercial.
La question est devenue récurrente. Pourtant l’engagement pour un marché commun est pris pour 2015. La question n’est pas en train de progresser, sauf erreur de notre part. L’échec de nos initiatives économiques a toujours été d’ordre politique ou juridique. Or, l’histoire récente, celle de l’UE ou de l’Asean et à moindre degré du NEPAD, que les nationalismes économiques n’ont jamais été dépassés autrement que par le rapprochement monétaire.
Les Européens ont commencé par une unité monétaire virtuelle, l’ECU, puis le Système monétaire européen, avant de finaliser l’euro. Vivement qu’on saute le pas.
David Lipton imputait la morosité de la croissance attendue en 2013 à l’atonie de l’économie européenne, notre premier partenaire commercial. Or il y a une solution à notre confinement marchand au seul espace européen, c’est un concept banque de type EXIMBANK, qui peut émanciper nos secteurs exportateurs nationaux. Tous les autres modèles de banque n’ont eu que des impacts réduits. La Banque islamique de développement (BID) et le Fades, même s’ils ne sont pas de même nature, n’ont pas impulsé la croissance sur le long terme. La Banque maghrébine d’investissement, malgré un début de mise en place, est morte dans l’œuf. Une EXIMBANk, pourrait nous donner le bol d’air nécessaire sans obligatoirement venir à bout de notre fragmentation économique.
On peut, de la même façon et sans chercher à fusionner territorialement, c’est-à-dire en gardant nos frontières, cumuler de la croissance, comprenez de la richesse! Simplement en cumulant les valeurs ajoutées nationale, respectives. On l’a bien vu dans le textile. De la cotonnade égyptienne et de la confection tunisienne surclassent le textile chinois! C’est un véritable filon.
Que lui manque-t-il? Peut-être l’instrument dédié, à savoir une Arab EXIMBANK. On pourrait avoir des bénéfices économiques sans forcer la main aux pouvoirs politiques, pour aller vers l’unité.
Le dernier sommet arabe de Koweït-City s’était réuni en 2009. Il coïncidait lui aussi avec l’opération israélienne «Plomb durci» sur Gaza. Au moment où la barbarie israélienne refait surface, Gaza pourrait au moins nous redonner le goût de faire des affaires ensemble. Il n’y a aucun mal à se faire du bien. La question palestinienne nous a souvent divisés, c’est bien qu’elle nous unifie pour le business. Ce faisant, elle nous rendrait plus forts.
Gaza, le guet-apens
Le business, on a trop tendance à négliger son pouvoir de rapprochement. Il a besoin d’un bouclier, toutefois, à savoir une diplomatie commune. Or on voit que Gaza, pour le moment, nous dirige davantage vers la surenchère que la concorde diplomatique. Par la barbarie et l’agression, Israël nous fait tomber dans un piège redoutable. Focalisant sur les agressions, elle nous fait occulter le problème le plus pressant, à savoir la colonisation en Cisjordanie. C’est là que se joue la partie décisive. En accentuant la colonisation, les israéliens cherchent à rendre non viable la création d’un Etat palestinien.
Nous jouons le dernier quart d’heure de cette partie délicate. A l’heure où l’Autorité Palestinienne s’apprête à prendre à témoin l’opinion internationale à partir de la tribune des Nations unies, ne brouillons pas les cartes. Les fusées iraniennes vont nous faire dérailler. L’option militaire est une option artificielle. Les Arabes n’ont pas les moyens de mener la guerre. Les armes iraniennes ne nous feront pas gagner. Auparavant les armes russes n’ont pas été plus efficaces.
Le printemps arabe peut-il nous ouvrir les yeux et nous concilier pour aller vers une diplomatie commune. La question de Gaza, quelles que soient les horreurs nées des récentes hostilités, n’est pas à dissocier de la cause palestinienne qui doit rester une et indivisible.
Les Arabes se sont entendus à Beyrouth en mars 2003 sur le plan Abdallah. Tenons-nous-en, là. La ferveur jihadiste ne doit pas nous éloigner de la ligne de conduite de la Realpolitik. On ne peut faire avancer la cause palestinienne en cherchant, avec obstination, à venger Gaza. Il faut nous en tenir à un package global, une résolution définitive pour la solution à deux Etats. Sinon, nous pourrions rater un rendez-vous crucial avec l’histoire.