La qualité de service ne semble pas être le premier souci de certains grands magasins en Tunisie. Scènes observées dans nombre d’entre eux. Et commentaires. Il ne faut pas, de toute manière, sortir des business schools américaines pour se rendre compte du mal que certains manquements et négligences peuvent faire.
Fréquentez-vous assidument un grand magasin? Si c’est le cas, impossible que vous n’ayez pas été témoin de l’une des quatre scènes suivantes.
Première scène : Vous vous présentez avec votre chariot à la caisse. La caissière ne vous regarde pas. Elle regarde droit dans le tapis roulant qui se déroule devant elle et sur lequel vous avez mis votre marchandise. Elle ne vous dit pas «Bonjour», ni encore «Au revoir» -ou rarement du moins. Encore moins «Merci».
Scène deux: Vous êtes en train de faire la queue à une caisse un jour de grande affluence. Un dimanche matin par exemple. Soudain, la caissière se lève. Elle quitte son poste sans rien dire. Vous comprenez, toutefois, lorsque vous la voyez partir avec la caisse, qu’elle a interrompu son travail. On ne vous dit rien. Vous comprenez, en observant les clients qui vous précèdent refaire la queue devant une autre caisse, que la caisse est momentanément fermée. Et que vous devez vous déplacer avec votre chariot.
Une marque d’irrespect pour le client
Scène trois : Le téléphone de la caissière est posée devant elle à l’abri du regard des clients. Mais lorsque son écran s’allume. Elle s’en saisit. Pour répondre. La communication est interrompue par quelques éclats de rire. Les clients sont agacés dans la mesure où la caisse tourne au ralenti. Un client fait la remarque à la caissière. Celle-ci réagit avec une grimace. L’air de dire «de quoi tu te mêles!». Et continue sa conversation.
Scène quatre, parce que ce n’est pas fini: un client présente une carte de crédit à la caisse après que la caissière a fait passer les marchandises. Cette dernière n’a pas de terminal dans son poste de travail. Elle doit donc se déplacer dans une caisse voisine et promène le client avec elle. Entre temps, les clients s’impatientent et quittent la queue pour aller dans une autre caisse devant laquelle il y a moins de monde.
Scènes ordinaires dans une grande surface tunisienne? Certes. Mais ces scènes sont, toutes, l’expression de négligences, d’irrespects pour le client, voire d’un manque de professionnalisme certain.
Pour s’en convaincre, il faut visiter une caisse dans un supermarché ou encore un hypermarché européen ou nord-américain. Toutes ces scènes sont, toutes, des scènes «qui tuent». Mal interprétées, elles jouent en effet contre les caissières et les commerces qui les emploient.
Le moindre détail est détecté
Il s’agit au fait de tout un système, une sorte de “bonne gouvernance“ que les professionnels, qui veillent à la qualité de leurs prestations, mais aussi à leur image de marque tiennent à instituer.
Tout comme par le recrutement. On l’imagine bien: seules les caissières qui ont des prédispositions sont engagées. Motivation, courtoisie, respect de l’autre… le moindre indice est détecté dans les entretiens.
Une fois engagées, celles-ci se doivent d’épouser le moule du commerce qui les emploie. Comme pour tous les métiers d’accueil, les caissières sont formées aux bonnes manières: sourire à un client, le regarder dans les yeux, dire «Bonjour» à son arrivée à la caisse, dire «Au revoir et Merci» à son départ… Mais aussi savoir se tenir face à un client, savoir répondre, savoir gérer les personnes difficiles…
Bref, et comme dans toute formation, la caissière reçoit une formation qui lui apprend un «Savoir», un «Savoir-faire» et un «Savoir-être». Elle est formée aux «enjeux», aux «techniques» et aux «attitudes et aux comportements».
Mais cela ne saurait suffire: la caissière, souvent surveillée par une caméra, est soumise en permanence à des «briefings» et des «débriefings» (sortes de réunions-bilans) qui rappellent les enjeux et analysent le moindre geste et parole et les corrigent.
Tous les employés invités à un séminaire
Dans un grand mall nord-américain de neufs étages, ou l’on vend de tout, de la serpillère jusqu’aux appartements en passant par les lunettes et les voitures, tous les employés sont invités à un séminaire une fois par mois.
Au cours de ce dernier, organisé en une seule journée, tous les employés séquencent l’acte d’achat du client. Du moment où il décide de venir au mall jusqu’à son départ du magasin. Le «saucissonnage» de l’acte de vente pousse les employés à se poser des questions sur ce qui peut «rater» à chaque étape.
Le client a décidé de venir au mall (première étape). Le site web de l’entreprise indique-t-il le plan du magasin? Indique-t-il la ligne de métro et la ligne de bus qui le dessert? Une fois arrivé sur place, le client peut-il le trouver facilement? Et si les enseignes étaient cachées à son regard? Et si le mall était difficilement accessible? Et si les vitrines n’étaient pas bien décorées?
Le client (deuxième étape) met le pied dans le mall. Les locaux sont-ils propres? Un accueil est-il prévu? Comment doit-on l’approcher? Arrivera-t-il à trouver le produit qu’il veut acheter?
Le client se rend dans le rayon vers lequel il a été orienté (troisième étape). Est-il sûr d’avoir un accueil courtois? Le vendeur saura-t-il répondre à ses questions? Et si le produit qu’il souhaite acheter était en rupture de stock?
On l’aura compris: à chaque étape aucun détail ne devra être négligé. Sinon le client risque de ne pas acheter et de ne plus revenir. Et c’est là où le bât blesse. Car les managers de ce mall, comme ceux d’autres commerces, ont une caisse dans la tête. De toute manière, le client ne paiera pas et ne reviendra pas si les choses ne sont pas comme il souhaite qu’elles soient.
Les responsables des magasins tunisiens dans lesquels les scènes évoquées plus haut sont tous les jours observées s’en rendent-ils compte de ces évidences? On peut en douter!