La
Tunisie se trouve, presque deux ans après la révolution et un an depuis
l’arrivée au pouvoir de la Troïka, confrontée à une situation économique
délicate et des revendications sociales persistantes.
Le président de l’Association tunisienne de sociologie (ATS), Abdessatar Sahbani
dénonce, dans une interview accordée à la TAP, “l’absence d’un véritable débat
sur le projet économique et le modèle de développement, à entreprendre pour le
pays”. Pour lui, c’est “le politique qui prime sur la scène nationale, comme si
les choses allaient évoluer à partir d’une simple volonté, alors qu’il faut
traduire cette volonté, en un ensemble de programmes et pratiques palpables”.
Evoquant “le duel entre les partis au pouvoir et l’opposition”, il relève que
“nous sommes encore dans la logique des surenchères et nous n’avons pas une idée
claire, réelle et conséquente sur l’économie nationale (agriculture, industrie,
commerce …)”.
“Les nouveaux dirigeants du pays aussi bien que l’opposition auraient du engager
de vrais débats sur le taux d’inflation, la dévaluation du dinar, la balance de
paiements et bien d’autres questions qui préoccupent les Tunisiens (chômage,
insécurité, santé, éducation, environnement…)”.
Il cite l’exemple des biens confisqués des proches du président déchu:
“actuellement, le gouvernement au pouvoir est en train de les vendre, sans pour
autant engager un débat, sur cette affaire qui concerne l’ensemble de la
communauté nationale”.
Désenchantement social
“Ce flou sur le plan économique condamne le social à l’incertitude, à la peur et
au manque de confiance, principaux vecteurs de la violence, de la déconfiture et
du désenchantement”.
Certains partis politiques imputent la persistance de la crise, au “manque
d’expérience” du gouvernement provisoire, dans la gestion des affaires de
l’Etat.
M. Sahbani approuve, partiellement, cette thèse mais il va très loin dans son
analyse de la fronde sociale et de la conduite des dirigeants du pays. Il avance
que la conjoncture actuelle en Tunisie est à l’origine d’un “désenchantement
profond qui touche, pratiquement, toutes les catégories sociales et devient un
phénomène social global dans le pays. Ceux qui gouvernent aujourd’hui pensent
qu’ils sont, plus au moins, sabotés à la fois par l’administration et par
l’opposition, laquelle, à son tour, taxe le gouvernement d’incapacité et de
sclérose, face aux difficultés socio-économiques”.
Le sociologue a tracé un tableau sombre de la situation actuelle: “les
entrepreneurs vivent dans le flou et le manque de visibilité, le peuple est dans
le cirage, en raison de la hausse des prix, principal souci des Tunisiens, alors
que le pouvoir est incapable de répondre aux demandes accrues en matière
d’emploi et de faire face à la recrudescence du phénomène de violence et à celui
de la contrebande, qui s’est aggravé après la révolution”…
WMC/TAP