Rocard : sortir de la crise demandera “des années”

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à Paris, le 22 novembre 2012 (Photo : Miguel Medina)

[27/11/2012 08:33:43] PARIS (AFP) Le gouvernement a enfin pris la mesure de la crise économique actuelle mais il a encore du chemin à faire dans ce sens et sortir de cette crise demandera “des années”, estime l’ancien Premier ministre, Michel Rocard, dans un entretien exclusif à l’AFP.

Les socialistes, analyse-t-il, sont arrivés “au pouvoir avec un pronostic faux”, “avec une hypothèse d’un retour à un peu de croissance grâce à la sagacité de la politique socialiste. C’était une annonce erronée”.

“J’ai passé six mauvais mois au début”, poursuit Michel Rocard selon lequel le gouvernement “était très lent à réagir”, avant que n’intervienne la “grosse correction” des mesures en faveur de la compétitivité des entreprises, annoncées le 6 novembre par Jean-Marc Ayrault.

“Depuis vingt-cinq ans, souligne-t-il, jamais aucun gouvernement de la République, de droite ou de gauche, n’a pris une mesure conjoncturelle aussi forte”.

Mais selon lui, il est bien illusoire pour le gouvernement de tabler sur une croissance de 0,8% du PIB en 2013, “c’est exclu”, et de parvenir à un déficit public de 3% du PIB pour la fin de l’année prochaine, un objectif “très difficile” à atteindre.

“Nous sommes depuis neuf mois dans une stagnation évidente et probablement en train d’entrer en récession”.

Pour l’ancien Premier ministre, “la prise en compte (par le gouvernement) du fait que nous sommes dans une vraie crise et pour des années n’est pas encore totalement faite”.

“Il faut (…) reconnaître qu’il n’y a plus de perspectives de croissance. Aucun des moteurs d’une croissance éventuelle n’est allumé”, relève Michel Rocard, en citant la consommation des ménages en berne, la réduction des dépenses publiques et ses conséquences économiques, les exportations qui régressent.

“François Hollande est un social-démocrate depuis trente ans. Il n’a pourtant pas eu la tête à l’économie et il est resté un homme formé par l’action politique quotidienne. Et l’action politique quotidienne a l’inconvénient de vous raccourcir l’horizon, centré sur le court terme”, poursuit Michel Rocard.

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à Paris, le 22 novembre 2012 (Photo : Miguel Medina)

L’ancien chef du gouvernement déplore “l’insuffisance du dialogue social” en France, “la plus grave des faiblesses” du pays. Il vante aussi les exemples scandinave et allemand du sens de la “continuité de l’Etat” entre pouvoir et opposition, qui respecte “ce que les autres ont fait, sauf contradiction absolument majeure et rare”.

Michel Rocard considère qu’au niveau international, en raison de la conjonction de différents éléments tels que le ralentissement de la croissance, les bulles financières et la spéculation –“tout cela continue”–, les dettes souveraines, le réchauffement climatique, le retour d’une “nouvelle croissance” durable n’est pas envisageable avant “l’ordre de la décennie”.

“On ne retrouvera plus la croissance gaspilleuse d’objets industriels à jeter. Ce n’est plus possible et les investisseurs eux-mêmes n’auront plus confiance”, prévoit néanmoins l’ancien Premier ministre.

“Il est impératif que l’Europe soit soudée face à cette mutation”, poursuit Michel Rocard en relevant l’évolution des derniers mois de l’Allemagne, acquise à l’obligation de préserver “la solidarité” au sein de la zone euro.

“L’Allemagne est en train d’entrer en récession par la baisse de ses ventes (exportations vers les pays européens affectés par la crise). Du coup, elle se découvre solidaire malgré elle”.

“Ca, c’est formidablement convaincant” pour que Berlin soit acquis à la nécessité d’une relance.

Michel Rocard considère enfin avec flegme les relations houleuses entre le PS et le Front de gauche.

“Je ne sais pas s’il (le FG) est capable d’analyser la situation telle qu’elle est. Il a toujours dans la tête une idée d’économie administrée. Le Front de gauche est un extra-terrestre”.