Selon des informations concordantes, le groupe émirati Boukhatir a décidé de relancer son mégaprojet touristico-immobilier, Tunis Sport city. Le directeur exécutif du projet, Emad Victor Shenouda, a tenu, ces jours-ci, une réunion avec les membres de la Chambre patronale nationale, conduits par leur président Fahmi Chabane.
Objectif: informer la chambre des nouveaux amendements techniques apportés au plan d’aménagement détaillé de ce complexe qui sera édifié sur les décombres du petit bois localisé à proximité de l’ambassade des Etats-Unis sur les Berges nord du lac de Tunis.
Des rumeurs, démenties par le président de la Chambre, avaient prêté au promoteur l’intention de changer la vocation de son projet et d’en faire un projet commercial au lieu d’un projet sportif.
Dans cette optique, Victor Shenouda a tenu à s’inscrire en faux contre de telles informations et annoncé que dès que le groupe obtiendra les autorisations nécessaires, il commencera par la réalisation des installations sportives (terrain de golf, stade de 10 mille places, piscine olympique…).
Cette réunion a été également une opportunité pour miroiter aux Tunisiens les milliers d’emplois que ce projet controversé va générer.
Initialement, le projet dont le coût s’élève à 5 milliards de dollars, prévoit la réalisation sur 225 hectares d’une grande cité sportive composée de neuf centres sportifs de formation et répartie en trois zones. Une première zone de 36 hectares sera consacrée à la formation de jeunes sportifs alors qu’une deuxième de 100 hectares sera réservée exclusivement à l’aménagement d’un terrain de golf de 18 trous. Elle comptera également un complexe immobilier, une académie de golf et un Club House.
Dans la troisième zone, qui sera aménagée sur une superficie de 120 hectares, des unités hôtelières de luxe, des résidences, des centres commerciaux, des aires de jeux, des écoles privées et des cliniques privées seront érigés.
Pour le directeur exécutif du projet, les travaux n’ont pas commencé en raison de la complexité des procédures pour l’obtention des autorisations requises auprès de l’administration tunisienne.
Dans une récente interview accordée au mensuel Eco Mag, Riadh Bettaieb, ministre de l’Investissement et de la Coopération internationale, a déclaré qu’il avait demandé au promoteur du projet de revoir le montage financier et de s’engager à attirer des capitaux étrangers.
Il faut dire que Tunis City Sport tout comme les autres mégaprojets touristico-immobiliers (le Port financier de Tunis, à Kalâat Landalouss, la Porte de la Méditerranée du groupe Sama Dubai…) ont été beaucoup critiqués et n’ont jamais été du goût des Tunisiens. Ces projets ont été concoctés dans des conditions le moins qu’on puisse dire «très louches» en ce sens qu’ils avaient fait l’objet de conventions adoptées par un Parlement aux ordres et moyennant de juteuses commissions versées aux membres de la famille royale et à certains hauts cadres du pays dont le président déchu lui-même.
Leur rentabilité n’est pas toujours justifiée, jusqu’à ce jour, pour la communauté tunisoise tant le prix est exorbitant: déclassement de centaines d’hectares à vocation agricole et écologique (cas du Port financier et de Tunis sport city), bradage au millime symbolique de terrains constructibles assainis au prix fort (endettement en devises du contribuable), s’agissant ici du cas de la Porte de la Méditerranée, et menace de congestion de la capitale.
D’ailleurs, la pression sur l’autoroute Tunis-La Marsa est déjà visible avant même que le projet ne voie le jour. Effectivement, avec le boom immobilier que connaît la banlieue nord de Tunis et à défaut de transport en commun acceptable et de disponibilité de terrains pour l’améliorer, les futurs occupants des nouvelles résidences de Tunis Sport City vont générer, probablement, de nouveaux milliers d’usagers sur cette autoroute.
Khayam Turki, militant du parti Ettakatol et candidat malheureux au poste de ministre des finances dans le gouvernement de Hamadi Jebali à la suite d’une requête d’une entreprise émiratie l’impliquant dans une affaire d’abus de pouvoir, a remis en cause la moralité et la notoriété des promoteurs émiratis.
Il a dénoncé la voracité de ces hommes d’affaires lesquels, a-t-il-dit, exploitent leur parenté lointaine avec des responsables politiques du Golfe pour acheter, dans le monde arabe, au dinar symbolique, les plus beaux terrains, bénéficier de juteuses incitations fiscales, obtenir «l’autorisation de vendre sur plan» à des étrangers et oser même solliciter des facilités bancaires locales, «autant de conditions, a-t-il-dit, que tout investisseur local pourrait remplir».
Et pour ne rien oublier, Tunis Sport City sera édifié sur un bois, bien un bois, le seul espace vert dans cette zone centrale ou résident des centaines de milliers de tunisois. Sans commentaire.