On ne peut gouverner un pays à l’aveuglette. Il y a un appel pour dégager la visibilité. La recette est simple, s’engager à accélérer le processus de transition. Une solution d’urgence se justifie. Un mois pour finir le travail. Mettre un terme au provisoire pour aborder la nouvelle République. C’est impératif. La Constitution est l’essentiel. Tout le reste n’est qu’accessoire.
L’actualité présente : l’état de tension larvée, les échanges de coups entre les présidences, l’instabilité ambiante, les bavures passées et celles à venir, tout ceci a une explication, soutient Béji Caïd Essebsi –ou BCE-, lors d’une interview dimanche soir, 2 décembre 2012, sur la chaîne Nessma.
Tout le monde a pris un faux départ
A l’origine de tous ces dysfonctionnements, c’est le faux départ pris par tout le monde. L’ANC s’est comportée en Parlement. Le cabinet ministériel se comporte en équipe de pouvoir. L’opposition elle-même s’est laissé embarquer dans le jeu. Il y a erreur sur la prestation. Si le pays est dans l’expectative, c’est donc la faute à tous. Gouvernement, constituants, opposition y compris. Cet écart nous coûte cher, rappelle BCE. Il ne faut pas le perpétuer.
Béji Caïd Essebsi, après son appel du 26 janvier 2012, quand il a demandé à se donner un planning de travail, ce 2 décembre, il revient à la charge. En prenant à témoin le peuple, BCE présente la feuille de route pour préserver l’unité nationale. Alors, a-t-il les moyens pour pouvoir remettre les pendules à l’heure?
L’enlisement constitutionnel
Il ne sert à rien de faire durer le provisoire. Le résultat est toujours décalé. En transition, les institutions doivent se contenter de faire face, de soulager, d’agir en pompiers. Cette logique est conforme à la logique de la révolution. Prendre les devants et laisser la planification de long terme, pour les équipes qui seront élues, une fois la nouvelle République en place. Le dispositif provisoire, légitime naturellement, doit ramener des résultats et non s’engager sur des plans de long terme. Si donc des contestations populaires s’enflamment ci et là, c’est bien parce que tout le monde regarde ailleurs. Les lendemains qui chantent, c’est un slogan qui n’est plus porteur.
La fin de l’ancien modèle économique et le nouveau modèle qui va faire repartir le pays, ce n’est pas la priorité. Quand on voit des élus s’incruster, on a le sentiment de traiter avec des squatters. Il ne faut pas qu’il y ait usurpation. Il y a enlisement constitutionnel. A situation de transition, on veut des solutions d’urgence. Il faut faire vite et finir le travail. Un chantier qui n’en finit pas d’en finir précipite le pays dans les épisodes comme on en a vécu récemment à Siliana.
Une feuille de route et tout de suite
BCE s’est comporté en homme d’Etat, disent certains. Il ne cherche pas à croiser le fer. Il appelle à épargner le pays et à lui éviter d’autres secousses. Le pays est en désarroi et on est plongé dans un cafouillage qui s’épaissit. Il faut arrêter l’hémorragie, précise BCE. L’urgence est de jouer l’apaisement et d’envoyer au peuple des messages forts. Une amnistie immédiate et n’en parlons plus. Pansons nos blessures. Unir et non cliver.
Les chantiers discutables doivent être remisés. La loi sur l’exclusion des RCDistes, “ forget it“. On défigurerait la révolution de la Krama par cet outrage à la démocratie. Le monde nous observe. Et BCE de prendre le pari de voir les initiateurs se reprendre et abandonner le projet. Radicaliser les institutions, c’est se mettre au ban du monde démocratique. Outre que cela est une réprimande à l’encontre du peuple. Celui-ci est suffisamment mûr pour pénaliser ceux qui l’ont agressé, par son arme redoutable, le bulletin de vote. Sortir le pays de l’immobilisme et tout de suite.
Un mois pour finir le travail de la Constitution, c’est possible. Finissons-en, le pays ne peut plus attendre. Le pays veut renouer avec la stabilité. Voilà c’est dit. BCE a démystifié le problème. Y-a-t-il bon entendeur, voilà la question.