En ensanglantant la célébration du soixantième anniversaire de l’assassinat de Farhat Hached, les Ligues de protection de la révolution veulent-elles jouer au bras long et à la «main rouge»? Il faut se rappeler que derrière les «phalanges» du désordre, sous l’occupation, se cachaient les «prépondérants» du colonialisme. Sommes-nous en présence du même scénario?
C’est sacrilège de s’attaquer aux syndicalistes, en leur fief, disait en substance Houssine Abassi, en réaction au raid violent lancé par les gardiens de la révolution. Troubler les préparatifs du soixantenaire de Hached, c’est une provocation caractérisée, reprenaient en chœur les autres membres du Bureau national de la Centrale. S’en prendre à l’UGTT le jour d’anniversaire de l’assassinat de Hached, c’est une posture qui réveille des souvenirs malheureux dans l’inconscient national.
Les initiateurs de ces mouvements de trouble doivent savoir qu’ils se mettent dans une posture qui dressera le bon peuple contre eux. Dommage que les stratèges qui pilotaient l’opération aient pris le risque de braver le peuple tunisien et ses forces vives.
En prenant une telle initiative tout aussi regrettable que malheureuse, est-ce qu’on envoie à l’opinion le signe de la volonté politique de liquidation de la centrale ouvrière? Après le déshonneur du drapeau, l’outrage à l’hymne national, la profanation du mausolée de Bourguiba, le gâchis des autres fêtes nationales, voilà aujourd’hui que l’on chahute le symbole de l’unité nationale qui s’est faite autour de la lutte contre le colonialisme. On voudrait détricoter l’Etat national, que l’on ne s’y prendrait pas autrement.
Est-ce que le glas a sonné pour l’expérience de transition démocratique?
Bonjour les dégâts
Il faut le voir pour le croire! A la télé du sang tunisien a coulé, des syndicalistes obligés de se retrancher dans leur siège et de se barricader des assauts des «phalanges». Et, qui plus est, la veille du soixantenaire de Farhat Hached. On voudrait assassiner la mémoire nationale et effriter l’unité du peuple, que l’on n’agirait pas autrement. L’honneur des syndicalistes baigné dans le sang, l’immunité de la constituante, noyée dans l’arrogance des phalangistes, l’expérience démocratique est en suspension. Ne veut-on pas la stopper en agissant en laissant agir de la sorte.
La mission historique du bureau national
Tout à l’heure, le bureau national de l’UGTT va se réunir. Il discutera de la riposte à apporter à l’outrage qui lui a été infligé. Déclarer la guerre et mettre le pays à feu et à sang, et l’équipe actuellement au pouvoir se défausserait sur la Centrale de son échec. Cela contient les germes du déraillement de la transition. N’oublions pas, nous sommes encore sous le couvert de l’état d’urgence. Le climat est propice pour un coup de force. Si par contre l’UGTT, avec sagesse et perspicacité mettait le pouvoir en place à l’épreuve du grand test démocratique de dissolution des brigades de la révolution, là on aurait créé des conditions favorables au blindage du processus démocratique.
Il faut démasquer les ennemis de l’Etat et du peuple. L’UGTT a la main pour mener le jeu. Sera-t-elle la main qui sauverait la transition démocratique, coupant les ponts à toutes les «mains rouges», malveillantes et qui se croient à l’abri de la colère populaire, du jugement de l’histoire et du désaveu des travailleurs? L’UGTT, en ces circonstances, saura-t-elle, à l’instar de Hached qui n’a pas reculé devant le lugubre du colonialisme, en payant son engagement de sa vie et refaire l’unité nationale? Elle a un atout maître, le peuple se tient derrière elle. En fera-t-elle bon usage alors qu’on essaie de lui faire perdre ses esprits? Ne pas se tromper de guerre!