ût 2010 (Photo : Fabrice Coffrini) |
[05/12/2012 17:52:46] GENEVE (Suisse) (AFP) Vingt ans après le “nein” de la Suisse à l’Espace économique européen, la défiance helvète à l’égard de l’Europe s’est aggravée.
Le 6 décembre 1992, 50,3% des Suisses et 16 cantons sur 23 ont refusé de ratifier le traité d’adhésion de la Suisse à l’Espace économique européen (EEE), qui créait un énorme marché de 380 millions de consommateurs réunissant à l’époque les 12 pays de l’UE et les 7 pays de l’AELE (Association européenne de libre-échange).
La ratification de ce traité, laborieusement négocié par la Suisse, devait obtenir une double majorité, celle du peuple, et celle des cantons, et elle s’est soldée par un double échec.
Selon une récente enquête de l’institut de sondage de Berne GfS, le “non” de la Suisse de décembre 1992 est une “bonne décision” pour 54% des interrogés, alors que 23% estiment le contraire. Seuls 6% des Suisses pensent que leur pays devrait adhérer à l’UE, selon ce sondage et 11% se déclarent pour l’adhésion à l’EEE.
Dimanche dernier, les opposants à l’Union européenne ont célébré à Bienne, près de Berne, le 20e anniversaire du non à l’EEE, en présence de leur tribun, l’homme politique suisse Christoph Blocher, qui a lancé un appel à la vigilance face à la question européenne.
Plus de 1.500 personnes de tous âges et tous horizons ont participé à ce rassemblement patriotique, lancé par trois coups de canon et ponctué de cortège de sonneurs de cloches et de jeunes gens brandissant les drapeaux suisses et ceux des cantons.
“Ca marche mieux en Suisse que dans l’Union européenne”, a martelé Christoph Blocher, en ajoutant qu’en refusant d’adhérer à l’EEE en 1992, les Suisses ont cimenté le socle de la prospérité de leur pays.
De leur côté, les opposants à l’EEE ont dénoncé les tentatives “d’adhésion rampante” de la Suisse à l’UE et veulent rester vigilants.
Pour la majorité des Suisses, l’UE reste un monstre bureaucratique, qui mettrait en danger le système de démocratie directe de la Suisse et ses valeurs fondamentales.
Pour éviter d’être engloutie dans le vaste marché européen, la Suisse a préféré poursuivre sa stratégie de relations bilatérales avec ses grands voisins.
Cette stratégie s’est concrétisée avec la signature de 120 accords bilatéraux avec l’UE.
Cette politique s’est cependant traduite pour la Suisse par un splendide isolement au milieu de l’Europe.
“Il faut être réaliste, la Suisse n’a pas vraiment d’amis, nous sommes seuls”, a reconnu mercredi l’ancien ministre et président de la Confédération, Adolf Ogi, dans une interview au journal Le Temps.
Pour le ministre suisse des Affaires étrangères, Didier Burkhalter, la voie bilatérale est toujours la seule possible.
à Berne (Photo : Fabrice Coffrini) |
Si la Suisse adhérait à l’EEE, il lui faudrait reprendre l’acquis communautaire, une idée impensable pour les dirigeants suisses.
Pour le patronat suisse, regroupé au sein de l’organisation Economiesuisse, la Suisse s’est “largement ouverte” à l’UE depuis 20 ans, selon les mots de son président Pascal Gentinetta.
Grâce à ses accords bilatéraux, la Suisse, a-t-il ajouté, est “aujourd?hui le troisième partenaire économique de l?UE devant des pays comme la Russie, le Japon et l?Inde”.
Depuis 1993, le commerce extérieur de la Suisse a progressé de plus de 100% avec l’UE, et sa balance commerciale affiche un excédent proche de 40 milliards de francs suisses (33 mds euros).
“Les chiffres parlent d’eux-mêmes, économiquement cela ne marche pas trop mal”, a déclaré pour sa part à l’AFP Laurent Goetschel, politologue à l’université de Bâle.
“Sur le plan politique, c’est une autre affaire”, a-t-il ajouté, en relevant que la Suisse reprend de plus en plus les législations européennes, pour éviter toute discrimination.
La Suisse décide cependant de le faire de façon volontaire, alors que si elle était dans l’EEE, elle y serait obligée, souligne-t-il.