à Schoenefeld près de Berlin le 13 septembre 2012 (Photo : Johannes Eisele) |
[06/12/2012 16:45:40] PARIS (AFP) Le groupe européen d’aéronautique EADS espérait jeudi avoir brisé le carcan de l’Allemagne et de la France qui deux mois plus tôt avaient bloqué un projet de fusion qui aurait fait de lui un géant mondial.
Les investisseurs ont salué l’accord sur la refonte de l’actionnariat, annoncé mercredi soir, et l’action EADS s’envolait jeudi à la Bourse de Paris.
“C’est tout simplement une nouvelle naissance du groupe, qui va pouvoir croître et se développer” sans que les Etats aient un droit de veto sur ses décisions, a déclaré le directeur de la stratégie du groupe, le français Marwan Lahoud.
“L’influence des Etats est plus réduite qu’auparavant”, confirme-t-on de source proche du ministère allemand de l’Economie, en s’en félicitant.
D’après un conseil d’EADS, le conseil d’administration s’était opposé à plusieurs projets stratégiques d’acquisition avant même l’échec en octobre du projet de fusion avec le fabricant d’armes britannique BAE Systems qui en aurait fait un groupe plus puissant que Boeing.
L’accord signé entre les fondateurs d’EADS –France, Allemagne, Espagne et les industriels allemand Daimler et français Lagardère– met fin au pacte d’actionnaires qui leur permettait de contrôler la gouvernance du groupe avec 51% du capital. Les Etats n’auront plus que 28% des droits de vote: 12% chacun pour l’Allemagne et la France, 4% pour l’Espagne.
Il permet aussi à Lagardère et Daimler de se retirer du capital comme ils le souhaitaient. Pour compenser l’arrivée de leurs actions sur le marché, EADS a décidé de racheter et d’annuler des titres jusqu’à 15% du capital, soit plus de 3 milliards d’euros.
Le constructeur automobile allemand Daimler a annoncé avoir cédé dès jeudi la moitié de sa participation, soit 7,5% du capital d’EADS, empochant environ 1,66 milliard d’euros.
L’opération de rachat de titres est coûteuse, a reconnu M. Lahoud, “mais nous en avons les moyens. Cet argent est un investissement dans notre avenir” parce que le groupe en retirera “une souplesse supplémentaire”.
Pas de droit de veto des Etats
à Berlin (Photo : John Macdougall) |
D’après EADS, les Etats n’auront plus de droit de veto sur la stratégie. Mais un groupe qui fabrique des missiles nucléaires, des satellites, des avions et des hélicoptères de combat n’est pas une entreprise comme les autres, concède M. Lahoud. “Les Etats, a-t-il assuré, auront toujours quelque chose à dire parce que nous sommes des industries stratégiques pour leur sécurité”.
Dans une conférence téléphonique mercredi soir, le patron d’EADS, l’Allemand Tom Enders avait insisté sur le fait que les Etats ne pourraient plus désigner d’administrateurs.
Sur les 12 membres du futur conseil d’administration, quatre représenteront “les sociétés nationales de défense” où la France et l’Allemagne auront sécurisé leurs intérêts stratégiques (comme la force de dissuasion nucléaire française). Mais même ces administrateurs-là seront proposés par le groupe, sous réserve de l’agrément des Etats, au lieu d’être désignés par les Etats, a-t-il expliqué.
En fait, “quand l’Etat exprimera le souhait que ce soit X ou Y, il n’y a aucune raison que du côté du conseil d’administration il y ait le moindre problème”, estime-t-on au ministère français de l’Economie.
Reste à voir quelle autonomie les Etats accorderont réellement au groupe. L’Allemagne ne siégeait pas au conseil d’administration quand elle s’est opposée à la fusion avec BAE Systems.
“Plus une opération touche aux secteurs sensibles plus le rôle des Etats –de manière directe et indirecte– et leurs droits seront importants”, souligne-t-on de source proche du ministre français de l’Economie, Pierre Moscovici. Pour la même source, il est “difficile d’imaginer” que le groupe se passe de “l’assentiment des trois Etats qui détiennent près de 30% du capital”.
En fait, chaque partie a sa lecture de l’accord finalisé mercredi.
Paris a ainsi affirmé que l’accord confirmait Toulouse comme siège opérationnel du groupe, alors que l’Allemagne avait critiqué ce choix de Tom Enders. M. Lahoud a précisé que l’accord ne mentionnait pas les sièges.
“Le siège opérationnel est à Toulouse, le déplacer est une décision qui revient au conseil d’administration”, a-t-il expliqué.
Il y a bien eu un accord entre la France, l’Allemagne et EADS pour clarifier la question du siège, assure-t-on en revanche au ministère de l’Economie.