éen chargé du Commerce, Karel De Gucht, le 18 juillet 2012 à Bruxelles (Photo : Georges Gobet) |
[07/12/2012 07:20:23] BUENOS AIRES (AFP) Le différend commercial qui oppose l’Argentine aux pays de l’Union européenne, aux Etats-Unis et au Japon, se durcit à l’OMC avec une plainte de Buenos Aires suivie d’une demande d’arbitrage engagée par Bruxelles, Washington et Tokyo.
“La décision prise est le dernier recours pour mettre fin aux pratiques discriminatoires de l’Argentine et pour rétablir le libre-échange”, a estimé jeudi le commissaire européen chargé du Commerce, Karel De Gucht, annonçant la mise en place d’un comité d’experts.
Les restrictions de l’Argentine touchent toutes les exportations européennes en direction du pays sud-américain, ce qui représentait 8,3 milliards d’euros en 2011.
“L’Argentine déplore ces plaintes intempestives, bien que coordonnées, déposées à l’encontre de notre pays”, a réagi le ministre argentin des Affaires étrangères Hector Timerman dans un communiqué.
La veille, M. Timerman avait annoncé que l’Argentine portait plainte devant l’OMC contre les Etats-Unis, l’Union européenne (UE) et l’Espagne qu’elle accuse d’empêcher l’entrée de certains de ses produits.
“L’Argentine a pris les devants en déposant sa plainte pour éviter de rester sur la défensive”, dit à l’AFP l’analyste Mauricio Claveri, de chez abeceb.com. “Elle savait qu’il y aurait une demande d’arbitrage à l’OMC”, suite à la plainte déposée au printemps et à l’été par les Etats-Unis, l’Union européenne et le Japon.
L’Argentine accuse Washington de faire obstacle à l’entrée de citrons et de viande. Buenos Aires accuse aussi Bruxelles et Madrid de bloquer ses exportations de biodiesel.
Les exportations totales de viande argentine ont atteint en 2011 731 millions de dollars et celle de citrons 172 millions de dollars. De son côté, les exportations de biodiesel argentin vers l’UE ont atteint 1,9 milliard de dollars en 2011.
De son côté, Bruxelles accuse Buenos Aires d’avoir mis en place des restrictions qui “pénalisent les exportations européennes depuis plus d’un an et demi”.
Il y a un système “discrétionnaire” d’autorisations qui pèse de “manière injuste” sur les exportations américaines, a déclaré de son côté jeudi le représentant pour le commerce extérieur des Etats-Unis, Ron Kirk.
étrangères Hector Timerman, le 22 octobre 2012 (Photo : Stan Honda) |
L’Argentine est face à un dilemme : contrôler ses importations pour préserver son excédent commercial, seule source de financement en l’absence de crédit après son défaut de paiement de 2001.
Or, l’excédent commercial de l’Argentine, grand exportateur de matières premières, est en baisse régulière. En 2011, il a été de 7,8 milliards d’euros, de 11% inférieur à 2010.
Autre difficulté majeure : la fuite de capitaux. Pour y faire face, le gouvernement a mis en place une série de contrôles draconiens sur l’achat de devises.
“L’Argentine tente de corriger un déséquilibre macro-économique”, fait valoir M. Claveri. “Ses restrictions, qui étaient en 2011 spécifiques, sont devenues en 2012 universelles et discrétionnaires”.
Le gouvernement argentin a décidé de contraindre tous les importateurs à remplir des déclarations détaillées de leurs achats, se réservant un délai de dix jours avant tout feu vert.
Cette mesure s’ajoute aux accords “informels”. Pour exporter en Argentine, on doit s’engager à importer des produits argentins ou à investir dans le pays pour ne pas risquer de voir ses produits bloqués aux douanes.
Parmi les cas les plus connus, le constructeur automobile allemand Porsche a dû s’engager à acheter du vin et de l’huile d’olive argentins pour faire entrer une centaine de véhicules. Ou le fabricant canadien BlackBerry qui a dû annoncer l’ouverture d’une unité de production en Terre de Feu (sud) pour continuer à vendre ses portables.
“L’OMC est lente”, explique néanmoins Mauricio Claveri. “Le panel d’experts peut être une affaire de deux ans: c’est long pour une politique commerciale aussi changeante que celle de Buenos Aires”.
La présidente argentine Cristina Kirchner conteste les accusations de protectionnisme.
“C’est comme s’il y avait un protectionnisme légal, celui des pays développés, et un protectionnisme populiste, celui des pays émergents”, a-t-elle dit récemment.
L’Argentine devra néanmoins montrer, selon les analystes, qu’elle retourne par étapes à une politique moins discrétionnaire et plus spécifique comme celle des pays développés.
Elle pourrait y être aidée par un contexte plus favorable: le soja, dont Buenos Aires est le troisième exportateur mondial, rapportera au pays sud-américain, selon abeceb.com, 4,15 milliards d’euros de plus en 2013 par rapport à 2012.