Reportage – Un dimanche ensoleillé du côté de la rue de Madrid à Tunis : Un véritable capharnaüm


rue_lafayet-455554.jpgUn
parcours des plus animés à Tunis. Celui qui commence rue du Liban pour se
terminer à la fin de la rue Belhassen Jrad, reliant deux quartiers: ceux de
Lafayette et du Passage. Il faut y venir dimanche pour remarquer que l’on y vend
de tout et que le traverser à pied est une véritable sinécure.


Choses vues.

C’est un parcours long de quelque 800 mètres. Pour l’emprunter, il faut
sillonner deux rues de Tunis: la rue du Liban et celle de Belhassen Jrad. Deux
rues qui joignent deux quartiers, Lafayette et le Passage. Et qui vous
permettent d’accéder à un marché des plus populaires de Tunis: le marché de Sidi
El Bahri, à quelques encablures d’une des plus anciennes portes de la capitale:
la porte de Bab El Khadra.

Un parcours des plus animés devenu notamment, avec la gabegie qui s’est
installée avec la Révolution du 14 janvier 2011, un véritable capharnaüm. Où
l’on vend de tout et où le traverser à pied est une véritable sinécure. Ne
parlons pas des voitures qui s’y essayent quand même à cet exercice.

Pour mesurer le phénomène, il faut y venir dimanche, jour de grande affluence.
Les trottoirs comme une partie de la chaussée sont pris d’assaut dès 7 heures du
matin par des marchands plus ou moins ambulants qui ont pris le pli de s’y
installer, vociférant souvent pour attirer le chaland.

Une zone qui a la réputation d’être “bon marché“

Au début du parcours, du côté de la rue du Liban, au quartier de Lafayette, on
trouve les fruits et légumes. Au milieu du parcours, nous sommes à la rue de
Madrid, dans le rayon de la friperie. Cela se termine, à la fin de la rue
Belahassen Jrad, avec les étals des services à thé et autres produits de petit
électroménager et des étals de fruits et légumes; ces derniers annoncent,
d’ailleurs, pour le visiteur des lieux, la proximité du marché de Sidi El Bahri.
Et il suffit de parcourir une petite rue perpendiculaire pour se retrouver
Avenue de Londres, nez à nez avec le jardin Habib Thameur; donc dans le quartier
du Passage.

Cette zone a la réputation d’être bon marché. Occupant un petit appartement de
la rue Borj Bourguiba toute proche, Ammar, retraité, vient tous les jours faire
ses courses. «Certes, c’est beaucoup moins cher que le marché Lafayette ou même
celui de Sidi El Bahri, réputé être plus accessible pour les petites bourses,
mais les prix ont beaucoup augmenté depuis quelques temps», assure-t-il en
jetant un regard fuyant, sous ces grosses lunettes de vue, aux clémentines
négociées à 1 dinar 740 millimes. Il se contentera d’une livre.

Il s’est accroupi pour mieux juger de la qualité de l’objet

Othman, qui tient un étal de fruits et légumes, s’étonne de la remarque d’Ammar:
«Elles sont à 2 dinars au marché Sidi El Bahri», grimace-t-il tout en invoquant
le fait qu’il fixe son prix de vente en fonction du prix auquel il achète la
marchandise. «Mes clients ont de quoi s’estimer heureux. Si je pratique des prix
aussi bas, c’est parce que j’achète ma marchandise bien tard, vers 6 heures 30
du matin, voire 7 heures, lorsque le grossiste n’a qu’une idée en tête vendre au
plus vite pour fermer boutique et rentrer chez lui», souligne-t-il avec force.

Deux mètres plus loin, un visiteur est venu chercher un tournevis d’occasion.
Quarante-cinq ans, jogging blanc et basket bleu, il s’est accroupi pour mieux
juger de la qualité de l’objet recherché. Ezzeddine est conducteur de train en
semaine et bricoleur le dimanche.

«Voyez-vous, je ne viens pas seulement pour le prix, mais pour la solidité des
produits. Ici, on trouve des outils de qualité que l’on ne fabrique plus
aujourd’hui», sourit-il. Avant de préciser: «L’idéal aurait été d’aller du côté
de Bab Sidi Abdessalem (quartier de Bab Saadoun), mais le tournevis que j’ai
trouvé ici peut faire l’affaire».

En chœur

Le client et le vendeur semblent être des connaissances. Hasard de notre
rencontre, les deux sont des Ouled Bled. Ils sont tous deux originaires du
gouvernorat de Siliana. Ce n’est donc pas un hasard s’ils engagent la
discussion, en cette matinée ensoleillée du dimanche 2 décembre 2012, une fois
la transaction terminée, sur les événements qui ont marqué leur gouvernorat, fin
novembre.

En plus, tous deux sont quasiment voisins. Ezzeddine est de l’Avenue Abdessatar
Dridi, notre marchand de bric-à-brac, Sadok, est certes originaire de Bargou
(ville située à une vingtaine de kilomètre de Siliana), mais il a toujours vécu
à la rue de Bizerte à Siliana toute proche.

Tous deux ne s’attardent pas pourtant longtemps. Ezzeddine se doit de rentrer au
quartier Ezzouhour, dans la banlieue ouest de Tunis, pour réparer une fenêtre
qui ne veut plus fermer, et Sadok doit s’occuper de ses clients par cette
journée combien importante pour son petit commerce. Tous deux arrivent,
toutefois, très vite, à une conclusion. Ils souhaitent beaucoup de courage à nos
gouvernants et à l’opposition qui finiront par se pencher sur les dossiers
épineux de la région. «Cela dans le cas où ils souhaitent trouver des solutions.
Car toute notre crainte est que le calme revenu, ils oublient les problèmes de
Siliana, comme c’était le cas dans l’ancien régime», précisent-ils. En chœur.