Tunisie : La réforme du système sécuritaire, un véritable «casse-tête tunisien» (1)

m-interieur-01.jpg«La transition démocratique peut causer la perte de partis politiques, et des personnes peuvent s’y brûler comme des bûches. Mais nous n’avons pas d’autre choix que d’assumer la responsabilité». Lorsqu’il avait accepté, il y a près d’une année, d’assumer les charges du portefeuille du ministère de l’Intérieur, au sein du gouvernement de la Troïka, issu des élections du 23 octobre 2012, Ali Laârayedh savait, comme il reconnaît aujourd’hui, ce qui l’attendait et ce qu’il risquait.

Onze mois plus tard, le ministre de l’Intérieur ne semble pas regretter –c’est l’impression qu’il a donnée, lors de la conférence-débat sur la réforme du système sécuritaire, organisée mardi 4 décembre 2012 par le Centre d’Etudes sur l’Islam et la démocratie, dirigée par Radhouane Masmoudi- d’avoir assumé une responsabilité dont la difficulté tend à se confirmer et à s’accentuer de jour en jour.

Venu pour réformer un système de sécurité conçu pour être l’épine dorsale de l’ancien régime dictatorial et pour servir les intérêts de l’ancien président et de son entourage, Ali Laârayedh voit sa tâche compliquée par les difficultés inhérentes à tout processus de transition démocratique. Dans le cas de la Tunisie, ces difficultés sont au nombre de trois: politiques, économiques et sécuritaires.

Politiquement, le défi a trait, selon le ministre de l’Intérieur, à l’exercice par les Tunisiens d’une liberté dont ils ont été privés jusqu’au 13 janvier 2011. «La question est de savoir comment, en tant qu’individus, organisations et Etat, vivre cette liberté pleinement en respectant la loi».

M. Laârayedh admet que l’exercice s’avère difficile car «nous tous, individus, organisations, régions et institutions de l’Etat, avons pris l’habitude de régler les problèmes de manière despotique». Et ce comportement tend «à devenir automatique» car «nous n’avons pas formé la société au règlement de ses problèmes dans un cadre démocratique dans lequel les dépassements diminuent alors que le respect de la loi augmente».

Cette situation a au moins une conséquence: alors que la liberté «s’est réalisée dans notre pays», «la concurrence démocratique est en train de tourner à l’affrontement, au point de nier l’autre», constate le ministre de l’Intérieur.

Le deuxième défi –économique et social- a pour origine la forte demande de développement et d’une plus grande justice sociale, c’est-à-dire d’une plus grande égalité des chances et d’une meilleure répartition de la richesse nationale. Des demandes dont la satisfaction tend à devenir de plus en plus difficile car, à chaque fois que les troubles qui les accompagnent augmentent le climat de l’investissement se détériore davantage, aggravant les difficultés économiques et sociales.

Le troisième et dernier défi est sécuritaire. Et contrairement aux pays d’Europe de l’Est qui ont connu des changements -parfois très violents- de régime dans les années 90, le défi sécuritaire est très grand dans les pays du Printemps arabe, «peut-être parce que les injustices, commises auparavant et pendant longtemps occultées par le despotisme, éclatent au grand jour après la chute du régime», analyse le ministre de l’Intérieur. Et là le risque réside dans le fait que si l’expression de ce sentiment d’injustice «n’est pas encadrée pour être résolue progressivement, le défi sécuritaire pourrait devenir encore plus grand», avertit M. Laârayedh.

(Suite)