L’Eure rachète une papeterie pour la revendre et sauver des emplois

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ème journée consécutive, le 03 novembre 2011 (Photo : Kenzo Tribouillard)

[11/12/2012 16:23:53] EVREUX (AFP) En reprenant le site de la papeterie M-Real d’Alizay, fermée en avril dernier, pour en revendre la plus grande partie le jour-même à des repreneurs, le conseil général de l’Eure a permis de faire aboutir des négociations qui étaient au point mort depuis plusieurs mois.

La transaction, annoncée lundi, s’élève à 22 millions d’euros. La plus grande partie du site et des installations sera reprise par le papetier Double A, basé à Hong Kong, et par le producteur d’électricité et de chaleur français Neoen, filiale du groupe Direct Energie, qui prévoit de relancer la centrale biomasse fournissant l’énergie aux installations.

Le président du conseil général, Jean-Louis Destans (PS), a évoqué une “prise de contrôle temporaire” et pas une “nationalisation”, comme il en fut beaucoup question pour le site ArcelorMittal de Florange, en Moselle.

En août, les discussions traînaient en longueur entre le propriétaire du site, le groupe finlandais M-Real, et les deux candidats à la reprise, Double A et Neoen. “C’était compliqué de faire vendre par M-Real et de faire acheter par Double A et Neoen”, se souvient le préfet de l’Eure, Dominique Sorain.

Le conseil général, qui suivait ce conflit depuis l’annonce de la fermeture du site au printemps 2011 et qui avait réclamé à une époque “l’expropriation” de M-Real, est alors intervenu pour tenter de débloquer la situation. “Le parti que nous avons pris avec le préfet était d’entrer directement dans les négociations pour pouvoir peser et pas simplement servir de médiateur”, a expliqué M. Destans.

Au terme de plusieurs mois de discussions discrètes, les élus du département sont parvenus à emporter l’adhésion du papetier finlandais, réticent au départ à l’idée de vendre le site à un concurrent. “Le projet de reprise était devenu global pour M-Real, qui avait de surcroît la garantie de la signature d’une collectivité publique”, a souligné Eric Lardeur, délégué CFDT.

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ée de leur usine pour la quinzième journée consécutive, le 03 novembre 2011 (Photo : Kenzo Tribouillard)

L’accord prévoit que le conseil général rachète dans le courant décembre à M-Real, pour 22 millions d’euros, l’ensemble du site qu’il partagera aussitôt en trois lots. Le premier sera revendu à Double A, qui veut relancer la fabrication d’origine de l’usine, les ramettes de papier A4, et le deuxième à Neoen, qui exploitera la centrale fournissant l’énergie aux machines.

Quant au troisième lot, il sera remis à un établissement foncier, en attendant d’être aménagé pour accueillir d’autres activités, notamment un port fluvial en bord de Seine.

Les premiers salariés devraient être embauchés en janvier pour un redémarrage des installations en mai ou juin, selon l’intersyndicale CGT-CFE/CGC. Quelque 150 à 200 salariés devraient être repris dans un premier temps. L’effectif pourrait être porté à 250 salariés à moyen terme, alors que la papeterie comptait 330 emplois au moment de la fermeture. “Ce qui nous intéresse, c’est que des projets industriels vont pouvoir à nouveau se développer sur le site”, a indiqué M. Lardeur.

L’opération a été facilitée par la qualité de l’outil industriel qui est, selon l’intersyndicale, l’un des plus performants en Europe. “L’usine a fermé ses portes, non parce qu’elle était obsolète, mais parce que M-Real voulait recentrer ses activités sur le carton d’emballage”, a précise le syndicaliste.

M. Destans a qualifié ce projet d'”exemplaire” en matière d’intervention des collectivités dans l’économie. Mais ce cas n’a toutefois pas vocation à “être transposable à l’identique” ailleurs, a-t-il jugé.

De son côté, le président de l’Assemblée des départements de France (ADF), Claudy Lebreton (PS), a assuré que ce genre d’intervention est plus fréquent qu’on ne le pense. “Cela se fait en totale discrétion pour le bien des entreprises”, a-t-il déclaré, estimant qu’il faut “s’inspirer d’un tel exemple tout en sachant que cela ne pourra pas marcher partout”.

Dans le département voisin de la Seine-Maritime, le conseil général est allé plus loin au début des années 2000 en prenant le contrôle d’une partie du port britannique de Newhaven, dont il est toujours propriétaire. L’objectif, tenu jusqu’à ce jour, était de pérenniser la ligne de car-ferries Dieppe-Newhaven menacée de fermeture.