Retenez bien leurs noms: Eric Denécé et Tariq Ramadan. Tous deux défendent, à force d’arguments, la thèse selon laquelle le «Printemps arabe» a été préparé par les Etats-Unis d’Amérique. «Dès 2007-2008, soutient Denécé, parce que des conférences organisées sous l’égide d’ONG américaines, comme Freedom House, l’International Republican Institute ou Canavas, où étaient présents la plupart des blogueurs et des leaders des mouvements du Printemps arabes, ont distillé le germe de la démocratie, créant un contexte favorable aux révolutions». Faut-il et peut-on le croire?
Il a quarante-trois ans. Il est Français. Il a un solide CV. Il est à la fois un universitaire et un homme de terrain. Il a une spécialité: le renseignement. Et il a défrayé la chronique en annonçant, en juin 2011, dans une interview au quotidien français La Tribune, en date du 1er juin 2011, que les révolutions arabes, dont celle de la Tunisie, ne sont pas «spontanée». Un véritable pavé dans la marre (1).
Eric Denécé, puisque c’est de lui qu’il s’agit, a affirmé, alors, et au retour d’une mission en Tunisie, en Egypte et en Libye, que «les révolutions arabes étaient en préparation depuis plusieurs années». «Dès 2007-2008, soutenait-il, des conférences organisées sous l’égide d’ONG américaines, comme Freedom House, l’International Republican Institute ou Canavas, où étaient présents la plupart des blogeurs et des leaders des mouvements du Printemps arabes, ont distillé le germe de la démocratie, créant un contexte favorable aux révolutions».
Tariq Ramadan rentre sur scène
Principal «accusé», donc, les Etats-Unis d’Amérique. Qui auraient préparé également «le démantèlement de l’URSS, la Révolution serbe, la révolution orange (en Ukraine) ou encore celle des Roses en Géorgie». Pour Eric Dénecé, certes il y avait dans les pays du Printemps arabe «une réelle aspiration à plus de liberté», certes aussi il y avait, en Tunisie, un «ras-le-bol face à l’avidité du clan Trabelsi», mais «les contestations populaires se produisent régulièrement» et «elles sont chaque fois réprimées».
En fait, c’est la théorie du complot venant de l’étranger que l’universitaire français défend. Tout autant que l’universitaire suisse Tariq Ramadan, qui rentre sur scène en défendant, dans une conférence au Canada, tenue le 7 août 2011, dont le récit est sur Youtube, la même vision des choses. Pour lui également, «les révolutions rabes ont été supervisées par les Etats-Unis d’Amérique» (2).
Il avance pour ce faire trois arguments. D’abord, l’absence de slogans anti-américains dans les mouvements de rue. Ensuite, des cyberactivistes arabes ont été formés aux USA par les Américains pendant trois ans aux rudiments de l’agitation numérique. Enfin, «la réaction rapide de l’administration américaine face aux événements et le silence des pays de l’Europe» qui n’étaient pas dans le coup.
«Ce n’est pas le sujet, le sujet c’est Moubarak!»
Outre l’argument de la formation par les Américains des cyberdissidents, Eric Denécé reprend également, de son côté, l’absence d’arguments anti-israéliens. En affirmant que cela ne peut qu’étonner dans des pays où «un militantisme islamiste et un sentiment anti-israélien existent».
Tariq Ramadan précise, dans ce contexte, qu’une personne de sa famille a entendu dire ceci, à la Place Tahrir, au Caire, au plus fort des manifestations contre le régime de Hosni Moubarak, lorsque quelqu’un s’en est pris à l’Etat hébreu: «Tais-toi. Ce n’est pas le sujet, le sujet c’est Moubarak!»
Faut-il croire à ces thèses qui minimisent le sang versé par les manifestants et font croire que les Arabes ont été des moutons de panurges entraînés par un agenda qui n’est pas, a fortiori, le leur? Ou les Américains n’ont-ils fait qu’accélérer le mouvement de l’histoire: les régimes arabes dictatoriaux devaient, quelles qu’en soit le cas, tomber. Parce que nuisant aussi aux intérêts américains?
Les défenseurs de la thèse du complot précisent que les Américains avaient décidé, depuis les événements du 11 septembre 2001, d’introduire la démocratie dans le monde rabe: des régimes démocratiques ne produiraient pas des terroristes et des esprits jihadistes. Pour ceux qui défendent la thèse du complot, donc, les révolutions arabes s’inscrivent dans le projet de la présidence de George Bush fils qui a mis en place «Le Grand Moyen-Orient». Avec à la prime cette déclaration faite par l’intéressé, le 24 janvier 2004, lors du Discours de l’Union, un moment fort de la démocratie américaine: «Tant que le Moyen-Orient restera un lieu de tyrannie, de désespoir et de colère, il continuera de produire des hommes et des mouvements qui menacent la sécurité des États-Unis et de nos amis. Aussi, l’Amérique poursuit-elle une stratégie avancée de liberté dans le Grand Moyen-Orient».
Et les Américains ont toujours pensé avoir des alliés dans ce projet, affirment les défenseurs de la thèse du complot, dans le rang des islamistes modérés seuls capables de barrer la route aux jihadistes d’Al Qaïda, pires ennemis de la sécurité des Etats-Unis. Et les monarchies du Golfe joueraient le rôle de chargés de missions. Un discours séduisant, mais qui reste à vérifier.