Le secteur informel est dangereux pour l’économie. Les débats de la Conférence de l’UTICA, organisée samedi 15 décembre 2012, à Tunis, ont permis de développer un riche argumentaire. Compte rendu.
Interpellant, le chef du gouvernement, Hamadi Jebali, samedi 15 décembre 2012, à l’occasion de l’organisation par l’UTICA, à Tunis, d’une conférence sur «l’économie informelle: comment y remédier?», Hamadi Kooli, président de la Fédération de l’exportation de la Centrale patronale, s’est voulu incisif: «Le secteur informel, c’est un cancer métastasé». Et le porte-parole de l’UTICA d’ajouter: «Il n’y a pas une activité économique qui n’a pas été touchée par le secteur informel».
Hamadi Kooli apportera cette précision, dans les débats, de la conférence de l’UTICA, sans une note d’humour: «Le seul Maghreb qui ait pu réussir à voir le jour, c’est précisément celui du Maghreb de l’informel. Des tonnes de marchandises en tout genre traversent les frontières des pays de la région dans tous les sens: du Nord au Sud et de l’Ouest à l’Est».
Des remarques et un cri de cœur suivis par une proposition: «lancer une consultation nationale sur le secteur national» tant celui-ci est devenu dangereux pour le secteur organisé. Plus d’une entreprise a fermé dans le pays.
Cela on le sait !
Autre moment fort des débats lorsqu’interpelant la présidente même de l’UTICA, Wided Bouchamaoui, qui expliquait que le secteur informel a connu aussi ses heures de gloire sous le règne du clan Ben Ali-Trabelsi, un opérateur du secteur textile s’est levé pour vociférer: «Cela, on le sait. Ce que nous demandons aujourd’hui, c’est des solutions!». Une intervention largement applaudie.
Les débats apporteront des indications sur l’ampleur du secteur informel. Exemple, celui des pneumatiques. A en croire un opérateur du marché, l’informel c’est 65% de cette branche industrielle. Toujours selon le même opérateur, un stock énorme dort dans le Sahara tunisien, fruit de la contrebande. Un stock qui répond aux besoins de la consommation de pneumatique de la Tunisie pendant au moins deux ans.
Même son de cloche du côté de la chaussure. Un industriel sfaxien soutient que le prix de la chaussure importée illégalement coûte moitié moins chère que …la matière première servant à la fabrication d’une chaussure en Tunisie. Et s’il est vrai que le secteur informel crée des emplois, ajoute le même industriel, ces derniers sont bien en deçà de ce que le secteur organisé est en mesure de créer : l’informel ne couvre que la seule commercialisation des produits et non un pan plus important, celui de la production.
Mais si le secteur informel est dangereux pour l’économie, c’est parce qu’on ne sait pas où vont les gains obtenus grâce à la vente des produits de l’informel (tout se fait cash), c’est parce qu’aussi l’informel n’apporte rien au développement régional, principale préoccupation des opérateurs, et parce qu’il ne prend pas compte, enfin, la couverture sociale de ses acteurs.
Ces aspects ont été mis en exergue par Hichem Elloumi, président de la Commission économique de l’UTICA, à la clôture de la Conférence, qui a précisé que les sommes gagnées peuvent être utilisées pour l’achat d’armes, de la drogue voire pour préparer des actes de terrorisme.
Ridha Saïdi, ministre chargé des Dossiers économiques et sociaux auprès du chef du gouvernement, va apporter de l’eau au moulin du président de la Commission économique de l’UTICA, en faisant savoir que des criminels ont profité de l’insécurité qui a prospéré depuis le 14 janvier 2011 pour s’adonner à la contrebande. Ces derniers disposent d’une forte logistique et de moyens financiers importants.
On aura compris : les débats n’ont pas permis de proposer des mesures à même de mettre un terme au développement du secteur informel. Tout au plus, les participants ont fait un état des lieux du phénomène et ses conséquences, à la fois économiques et sociales. Il faudrait donc une d’autres rencontres au cours desquelles seront peut-être soumises des solutions concrètes.