Le margoum, le klim, le Hanbal, le Bocht (tapis de selle) et l’Oussada, produits artisanaux phares de la localité de Oudref à Gabès (sud tunisien)… voilà les produits phares de la foire du Tapis et des Tissages traditionnels, organisée du 14 au 23 décembre 2012 au Parc des expositions du Kram (Tunis).
Imprimés de losanges, de cornes de gazelle, de “chouka”, dessin symbolisant la pince du scorpion, ces tissages de couleurs chatoyantes, confectionnés méticuleusement, relatent tout un héritage traditionnel et des histoires de femmes, de mariages et de familles du Sud.
Ces oeuvres faites à la main semblent être aujourd’hui entre de bonnes mains. C’est l’Association de “Dar Margoum Oudref” qui s’est chargée de les exposer à la foire du Kram, créée en avril dernier, et ayant pour objectif de réhabiliter tous les produits artisanaux qui font partie du patrimoine de cette localité du nord de Gabès.
Son président, Béchir Mannoubi, ne tarit pas d’éloges et de détails sur le dévouement et doigté de ces femmes artisanes qui confectionnent à domicile les tissages de Oudref.
“Elles apprennent l’art de tisser, dès leur jeune âge, et elles ont une capacité incroyable à mémoriser tous les dessins et les motifs sur lesquels tombent leurs yeux, pour les recopier dans leurs tissages”.
En confectionnant, elles tissent aussi des liens très intimes avec leurs oeuvres qu’elles effleurent avec doigté et délicatesse”, ajoute le président de l’association.
Convaincues de la valeur de leurs créations et de leur rôle dans la conservation du patrimoine, elles sont actuellement 145 à avoir adhéré à l’Association.
M. Mannoubi s’attend à voir plus de femmes artisanes non seulement de Oudref mais aussi de toute la région de Gabès adhérer à son organisation “pour faire vivre ces métiers de l’artisanat menacés d’extinction en raison du manque de la main d’œuvre”.
Capitale du margoum en Tunisie, la localité de Oudref produisait dans les années 90 pas moins de 18.000 m2 de margoum chaque année; elle n’est actuellement que de 10.000 m2 par an.
La confection du margoum représente 12% de la production nationale des tissages estampés et le quart de la production des tissages ras (klim et margoum…).
“D’après les recherches que j’ai faites sur l’histoire du margoum, celui de Oudref est chargé d’histoire et ses origines remontent très loin dans le temps”, se félicite M. Mannoubi.
“Le plus ancien modèle était très simple, tissé en noir et blanc et orné juste de barres avant d’avoir d’autres formes telles que les triangles et les losanges. Aujourd’hui, il se distingue des autres tissages artisanaux par ses motifs et ses couleurs brillantes”, a-t-il poursuivi.
En effet, chaque tissage a ses spécificités et ses usages dans la région. Le “hanbal” par exemple constitue la pièce maîtresse du patrimoine domestique et le tissage jalousement gardé par les familles.
Utilisé souvent comme une couverture de 5,40 metres de long et de 2,20 mètres de large, le “hanbal” est indispensable au trousseau du futur marié de Oudref.
Quant aux futures mariées de la région, il est essentiel d’avoir dans leurs trousseaux de mariage “El Oussada” ou “l’oreiller”. Il s’agit d’un tissu de 1,80 m (longueur) sur 40 cm (largeur) qui sert de cachette pour les biens précieux (bijoux….) et aussi pour la provision d’épices.
Pour la récente association de Dar Margoum de Oudref, qui travaille en coordination avec l’Office national de l’artisanat, la mission de préserver ces richesses du sud tunisien n’est qu’à son début. Rien que pour les tissages manuels, l’association envisage de créer un musée et de lancer “une encyclopédie du margoum”.
WMC/TAP