à Melfi, le 20 décembre 2012 (Photo : Donato Fasano) |
[21/12/2012 14:51:40] MILAN (AFP) Le “Professeur” Mario Monti, dont la démission était imminente vendredi, laisse derrière lui un bilan jugé flatteur par ses pairs européens et par le monde des affaires, mais plus nuancé aux yeux de ses concitoyens à qui la récession et l’austérité de l’année écoulée restent sur l’estomac.
Le retour mouvementé sur la scène politique de son prédécesseur Silvio Berlusconi au début du mois de décembre l’a démontré avec fracas: les leaders européens et les marchés voteraient unanimement Mario Monti s’ils le pouvaient et ne font guère mystère de leur désir de le voir conserver les rênes du pays d’une manière ou d’une autre.
L’annonce-surprise le 8 décembre de sa démission du gouvernement dès le budget 2013 voté au Parlement a subitement réveillé le spectre d’une Italie politiquement incontrôlable et à même d’entraîner l’Europe avec elle dans la crise.
Le principal fait d’armes de l’ancien commissaire européen, arrivé en novembre 2011 en pleine tempête financière à la tête d’un gouvernement “technique”, est d’avoir réussi à empêcher l’Italie de sombrer dans le précipice de la dette et à susciter un timide retour de la confiance des marchés.
ère allemande Angela Merkel (d) et le Premier ministre italien Mario Monti (g), le 13 décembre 2012 à Bruxelles (Photo : John Thys) |
La courbe du “spread”, qui marque l’écart de taux d’intérêt entre l’Italie et l’Allemagne, en témoigne. Les efforts conjoints de M. Monti et de la Banque centrale européenne étaient parvenus début décembre à le faire reculer quasiment de moitié en un an (à moins de 300 points de base), laissant espérer une normalisation progressive du coût auquel se refinance l’Italie. L’entrée en piste de M. Berlusconi, en faisant remonter – même temporairement – en flèche les taux d’intérêt, a cependant démontré la fragilité de cette confiance.
M. Monti a aussi à son crédit un long combat pour moderniser et raviver la compétitivité défaillante de l’Italie, qui a débouché essentiellement sur une réforme réussie du système de retraites et une autre, plus controversée, du marché du travail. L’élan du gouvernement s’étant essoufflé au fil des mois, plusieurs autres projets resteront toutefois dans les cartons.
Les cercles d’affaires en Italie ont néanmoins salué son action et appelé le prochain gouvernement à ne pas perdre le fil des réformes. “J’espère que Monti restera au pouvoir pour toujours. Il a été engagé pour venir à bout de ce gâchis et ce ne sera pas facile à court terme”, lançait récemment, avec une pointe de provocation, le patron de Fiat Sergio Marchionne.
Si les finances publiques de l’Italie sont désormais sous contrôle, sa dette continue d’augmenter. Elle vient pour la première fois dans l’histoire du pays de franchir le cap symbolique des 2.000 milliards d’euros.
Pour en venir à bout, le gouvernement a imposé une sévère cure d’austérité qui a plongé le pays dans une profonde récession (-2,4% attendus cette année) et dont il ne devrait pas s’extraire avant la fin 2013, voire début 2014. Le chômage va de record en record, frappant en premier lieu les jeunes (36,5%).
écembre 2012 à Rome (Photo : Filippo Monteforte) |
Selon Giacomo Marramao, professeur de philosophie politique à l’Université Rome 3, le bilan de M. Monti au final est “ambivalent” et l’absence de croissance combinée à une montée en flèche de la pression fiscale en constituent l’aspect le plus négatif. “Les impôts excessifs imposés au pays, surtout à l’emploi salarié, ont eu un grand impact sur la consommation”, constate-t-il.
Hasard du calendrier, la démission du gouvernement est arrivée au moment où les Italiens devaient s’acquitter de l’Imu, une taxe foncière réintroduite cette année par M. Monti.
Impopulaire, l’impôt a laissé sa marque sur la traditionnelle période d’achats précédant Noël. “Ce n’est pas une contraction mais une débâcle. Nous prévoyions une baisse de 12%, maintenant on va vers les -20%”, se lamente Rosario Trefiletti, président de Federconsumatori, une association de défense des consommateurs, cité par le quotidien Repubblica.
Il n’est pas le seul à s’inquiéter d’un excès d’austérité. Le Fonds monétaire international (FMI), tout en plaidant pour une poursuite des réformes engagées par M. Monti, a appelé à un “rééquilibrage des finances publiques plus favorable à la croissance”.
Le président du Conseil a admis avoir aggravé la récession par la “cure amère” administrée à l’Italie mais se défend d’avoir entraîné le pays dans un cercle vicieux d’appauvrissement. Selon le gouvernement, la reprise de la croissance serait au tournant, annoncée pour la mi-2013.