La Kabul bank, une gigantesque fraude afghane loin d’être éclaircie

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ï, le frère du président Hamid Karzaï, le 12 mars 2009 (Photo : Shah Marai)

[22/12/2012 14:34:58] KABOUL (AFP) Le scandale de la Kabul bank, dont le procès en cours dans la capitale afghane est téléguidé par l’exécutif, relève d’une fraude d’une ampleur extraordinaire pour l’Afghanistan, qui a permis à douze personnes, dont des proches du pouvoir, de se partager 900 millions de dollars.

Mi-novembre, Sher Khan Farnoud, fondateur et ex-président de cet établissement financier, nomme les quatre responsables du désastre devant un tribunal spécial dédié à l’affaire. Ces hommes sont selon lui son adjoint à la tête de la banque, l’avocat général, le frère du vice-président afghan et le chef de l’Etat lui-même.

Tolo news, la principale chaîne d’information d’Afghanistan, rapporte ces propos, alors que les autorités afghanes n’ont pas communiqué sur la tenue d’un procès.

La gestion du dossier Kabul bank est un test pour le gouvernement, que les donneurs internationaux observent avec attention, eux qui ont conditionné 16 milliards de dollars d’aide d’ici 2016 à la mise en place de réformes, notamment en terme de gouvernance et de corruption.

Mais l’identité de deux des bénéficiaires, Mahmood Karzaï, le frère du président Hamid Karzaï, et un frère du vice-président Mohammad Qasim Fahim, rendent le dossier excessivement politique. Et malaisé à traiter par une justice afghane reconnue pour son opacité et sa corruption.

Le chef de l’Etat, selon une source très proche du dossier, n’est pas inquiété à titre personnel. Son nom n’apparaît sur aucune opération financière de la Kabul bank, de même source. Même si l’établissement aurait fourni 20 millions de dollars pour sa campagne présidentielle de 2009, ce que son entourage nie.

Sher Khan Farnoud, le fondateur de la Kabul bank et son ex-directeur général, Khalilullah Ferozi, se trouvent par contre à la base de la fraude, affirme cette source.

“Les épargnants ont financé des prêts accordés à d’autres sans les garanties bancaires habituelles et sans l’intention de ne jamais les rembourser”, décrypte Eva Joly, l’un de six experts du Comité indépendant d’évaluation et de contrôle anti-corruption (MEC en anglais), qui a publié un rapport sur la Kabul bank.

Faux documents et stratagème

Ensuite, “ils ont fabriqué vraiment beaucoup de faux documents pour justifier les virements” et duper les auditeurs de la banque, relève-t-elle.

Dès ses débuts, et alors que les frères Karzaï et Fahim n’en sont pas encore actionnaires, la Kabul bank dispose d’une double-comptabilité, afin de dissimuler les fraudes commises, observe un connaisseur du dossier.

Grâce à ce stratagème, M. Farnoud “emprunte” 270,3 millions de dollars à son établissement, tandis que 94,3 millions de dollars sont “affectés” à M. Ferozi, d’après le rapport du MEC.

Dix autres individus se partagent 210 millions, tandis que sept entreprises – appartenant aux 12 protagonistes – raflent le reste, pour un total de 861 millions de dollars, toujours selon le MEC.

Les frères Karzaï et Fahim empochent à eux deux 74,1 millions de dollars, plus peut-être une partie de l’argent versé aux sept entreprises, affirme la source proche du dossier.

Ces deux hommes ne font pourtant pas partie des 22 inculpés. “Clairement, il y a protection des plus importants (bénéficiaires). Le choix des mis en examen a été fait au plus haut niveau. Les procureurs n’ont pas décidé par eux-mêmes. Ils ont reçu des instructions. Le tribunal spécial a été très passif”, déplore Eva Joly.

La volonté de récupérer l’argent volé semble également faible, note un autre expert du dossier.

“400 millions ont été transférés sur 50 comptes bancaires situés dans douze pays, aux noms des actionnaires” de la Kabul bank, remarque ce dernier. “Pourtant, quelqu’un a pris la décision de ne demander des mandats internationaux que pour quatre pays et deux noms”, ceux des deux ex-dirigeants de l’entreprise, peste-t-il.

Une manière de s’assurer que les personnalités ‘sensibles’ ne seront pas inquiétées, sous-entend-t-il.

Au 31 août dernier, l’administration judiciaire avait récupéré 128.3 millions de dollars en espèce ainsi que des biens d’une valeur d’achat de 190,6 millions.

Au moment des faits, les pertes de la Kabul bank correspondaient à 5% du PIB afghan.

Samedi, pour la journée internationale anti corruption, le président Karzaï a rendu la communauté internationale responsable de la prévarication dans son pays.

“La corruption dans notre administration est petite. La grosse partie, celle qui concerne des centaines de millions de dollars, n’est pas de notre fait. Elle est du leur et nous a été imposée”, a affirmé le chef de l’état afghan.