Japon : la droite revient avec ses grands travaux et sa planche à billets

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Des coupures de 10.000 yens (Photo : Yoshikazu Tsuno)

[26/12/2012 10:21:56] TOKYO (AFP) La feuille de route économique du nouveau pouvoir japonais marque un retour tonitruant des recettes classiques de la droite nippone: grands travaux publics pour doper l’activité, recours accru à l’emprunt et politique monétaire expansionniste.

A peine remportées les élections législatives du 16 décembre, le chef du Parti Libéral-Démocrate (PLD, droite) Shinzo Abe, désormais Premier ministre, a promis la suppression du plafond d’émission de nouvelles obligations d’Etat fixé par ses prédécesseurs de centre-gauche.

Par ce symbole, il entend rompre avec les trois ans de gestion du Parti Démocrate du Japon (PDJ), qui avait tenté de réduire le déficit public en s’attaquant notamment à la “politique du béton” des conservateurs au pouvoir de la fin des années 1950 à 2009.

La parenthèse PDJ refermée (2009-2012), le gouvernement de M. Abe intronisé mercredi fait du retour de la croissance de la troisième puissance économique mondiale sa première priorité… à tout prix.

Une première rallonge budgétaire de quelque 100 milliards d’euros est prévue rapidement, afin, entre autres, d’accélérer la reconstruction du nord-est dévasté par le tsunami du 11 mars 2011 et de remettre en état des ponts, tunnels et autres infrastructures publiques vieillissantes.

Pendant sa campagne électorale, M. Abe a proposé d’investir la bagatelle de 1.800 milliards d’euros en grands travaux dans la décennie à venir.

“Cette politique ramènerait le Japon à l’époque des ponts qui ne mènent nulle part et de la corruption endémique autour des contrats”, souligne David Rea de l’institut de recherche Capital Economics. Il ajoute qu’elle coûterait “trop cher” au regard de retombées incertaines.

Les marges de manoeuvre budgétaires du nouveau pouvoir sont pourtant ténues. Environ 40% du budget de l’Etat est financé cette année par l’emprunt et la dette publique atteint 236% du produit intérieur brut, le taux le plus élevé parmi les pays développés, d’après le FMI.

Le nouveau ministre des Finances, Taro Aso, a une réputation de panier percé après avoir lancé quatre plans de relance en 10 mois, d’une envergure correspondant à 5% du produit intérieur brut, lors de son court passage à la tête du gouvernement en pleine crise financière (2008-2009).

Le trésor du pays est certes à l’abri de la cyclothymie des marchés étrangers car plus de 90% des obligations d’Etat nippones appartiennent à des investisseurs japonais.

Mais nombre d’économistes avertissent que la dette publique pourrait atteindre un seuil incontrôlable et insoutenable pour les prochaines générations, à moins d’engager parallèlement des coupes budgétaires massives ou une réforme fiscale drastique.

Or, côté recette, le gouvernement ne table pour l’instant que sur le relèvement de la taxe sur la consommation de 5% actuellement à 8% en avril 2014 puis à 10% en octobre 2015, sous réserve que la croissance reparte. Le programme du PLD prévoit par ailleurs de réduire la taxe sur les revenus des entreprises.

D’où la crainte de voir le gouvernement chercher d’autres rentrées, comme le recours à la planche à billets réclamé avec insistance à la Banque du Japon (BoJ).

Déterminé à en finir avec la déflation qui entrave l’activité depuis plus de trois ans, M. Abe exige de la BoJ qu’elle revoie dès janvier son objectif d’inflation à la hausse, de 1% à 2%, ce qui la forcerait à assouplir encore davantage sa politique monétaire.

Si l’institut n’obtempère pas, le Premier ministre prévoit de revoir la loi d’indépendance de la banque centrale.

Il devrait en outre choisir un nouveau gouverneur de la BoJ en phase avec ses idées en avril, lorsque le mandat du titulaire actuel, Masaaki Shirakawa, atteindra son terme.

En attendant, la rhétorique de M. Abe a déjà permis d’affaiblir quelque peu le yen dont la vigueur exceptionnelle nuit depuis des années aux groupes exportateurs, notamment aux fabricants d’électronique grand public. Mercredi, le dollar est repassé au-dessus des 85 yens pour la première fois depuis avril 2011.