Des BMW, des Mercedes, des Porsche, des Infinity, des Cadillac, des Rolls Royce, une Ferrari, une Lamborghini, une Maybach, des objets de décoration, des bijoux, des chaussures, des vêtements, de l’électroménager, près de 300 pièces d’orfèvrerie et des bijoux, des statuettes, œuvres archéologiques, le tout exposé dans une “FOIRE“ ! Le Salon Maison et Objet à la Tunisienne !
Le mot “FOIRE“ n’aurait jamais autant porté son sens, au propre comme au figuré. C’était la Foire du prestige de l’Etat tunisien et le populisme politique réduit à sa dimension la plus vulgaire !
Comment le chef du gouvernement a-t-il accepté d’associer son nom et celui de sa vénérable institution à ce carnaval? Comment peut-on réduire la personne représentant la plus haute autorité de l’Etat à être l’inauguratrice d’une exposition d’objets confisqués? Car quand bien même il s’agit de Ben Ali et Co, la dimension morale reste la même, on ne mêle pas les personnalités publiques -représentant l’Etat dans sa quintessence- à des événements, relevant qu’on le veuille ou non, des faits divers et de pratiques immorales!
Sans oublier que nombre des objets exposés sont des cadeaux offerts par des chefs d’Etat, des invités prestigieux à la Tunisie en la personne de son chef d’Etat. Serions-nous en train de vendre le patrimoine de l’Etat par ignorance?
Il aurait été préférable et autrement plus valorisant pour le gouvernement que Hamadi Jebali, chef de l’Exécutif, accompagné de ses ministres, coupe le ruban d’une grande réalisation, un projet industriel, une université, un barrage, un aéroport, un centre culturel, une maison de culture… Et puis, où en sont donc ces 57 grands projets dont le plus petit a un coût d’investissement de 20 MDT et qui attendent que l’Etat leur balise le terrain procédural et administratif pour entamer leur réalisation? Où en est le projet Makhataris qui insufflera à la région de Siliana un dynamisme économique duquel elle a ardemment besoin? Ou des raisons de politique politicienne empêcheraient son avancement?
N’aurait-il pas été plus utile que le gouvernement planche sur le lancement effectif de ces projets au lieu de se complaire dans le carré réducteur des critiques à l’ancien régime, de la dénonciation des pratiques de malversations -comme si elles avaient disparu- et de la gestion des maux et problèmes créés par un parti dont le désir hégémonique n’est plus un secret pour personne?
Comment peut-on applaudir pareille initiative… alors que l’Etat est bafoué, atteint dans sa grandeur et est éteint dans son action?
Un Etat, qui continue à se réfugier dans les pratiques de diversion alors que les véritables maux du pays sont sécurité, pouvoir d’achat, flous politiques et économiques et troubles sociaux. A force de prescrire les mêmes antibiotiques, l’effet curateur finit par perdre de son efficience… La lutte contre les malversations, elle, est en train de perdre ses effets curatifs…
Et quand bien même on reprendrait pour la énième fois la campagne anticorruption, une litanie désormais familière des Tunisiens, quel en serait l’impact sur le terrain lorsqu’on n’arrive pas à définir une vision et à proposer un projet d’Etat, pour l’Etat et pour le peuple?
Inaugurer un projet créateur d’emploi, c’est ce qu’on aurait souhaité voir le chef du gouvernement faire. Malheureusement, Que pouvons-nous espérer, attendre de cette Tunisie nouvelle? Lorsque ceux qui décident ne sont pas ceux qui maîtrisent les véritables rouages de l’Etat, lorsque les compétences sont diabolisées, lorsque les opportunistes restent, lorsque les hauts cadres dûment qualifiés sont bloqués par des conseillers parachutés limités par leur expériences et leurs méconnaissance du terrain, et lorsque le spectaculaire et les intérêts partisans prennent le pas sur les intérêts du pays et le prestige de l’Etat.
Prestige? Charisme? Emprise? Comment un Etat peut-il avoir de l’emprise sur un peuple déboussolé par un passage brutal d’une situation où il subissait à une autre où il veut être un acteur, n’importe comment et par n’importe quel moyen, lorsque sa ministre des Affaires de la femme et de la famille pose avec les chaussures de Leila Ben Ali, après avoir déchiré le portrait du dictateur déchu?
Le gouvernement s’attendrait à plus de 20 millions de dinars de recettes de cette foire. Ce qu’il a perdu après ce qui s’est passé à Djerba, samedi dernier, se situerait à un prix nettement supérieur en termes d’image et d’autorité à l’échelle autant nationale qu’internationale. Ce qu’il perd après exposition d’objets, dont la valeur ne peut être déterminée que par la dimension pécuniaire, est pire.
Quand est-ce que nous passerons du stade de l’amateurisme économique et politique à celui de véritables professionnels?