Les Pilpa montent la garde pendant les fêtes autour de leur usine menacée

[27/12/2012 16:48:17] CARCASSONNE (AFP) Pendant les fêtes, les 122 salariés du glacier carcassonnais Pilpa montent une garde permanente autour de leur usine pour empêcher le propriétaire, un grand groupe contrôlé par un fonds d’investissement américain, de déménager les machines et de sceller ainsi irrévocablement la fermeture et leur licenciement.

“On peut pas avoir confiance. Comment voulez-vous ? Ils sont arrivés ici en nous disant qu’ils allaient nous faire travailler. Quelques mois après, ils nous annoncent qu’ils ferment”, dit Jean-Marie Teissière, 48 ans, dont 20 chez Pilpa.

Avec les autres, il a été repris en septembre 2011 par le géant européen de la glace R&R Ice Cream, entreprise de droit anglais détenue par le fonds d’investissement américain Oaktree Capital Management. Comme les autres, il a appris en juillet 2012 la fermeture de l’usine et, comme eux, il se bat depuis pour son travail.

Jean-Marie Teissière était inscrit jeudi dans le tour de garde mis en place depuis le 22 décembre autour de Pilpa, sur une zone industrielle comme tant d’autres à la périphérie des villes françaises.

Le management parle de “fantasme” ou de “procès d’intention”. Mais le personnel est convaincu que, sans cette veille sociale, la direction serait capable de profiter de cette période de fêtes, pendant laquelle l’usine est traditionnellement fermée, pour faire venir les camions et transférer les équipements vers les trois autres sites du groupe en France.

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à Carcassonne, le 27 décembre 2012 (Photo : Remy Gabalda)

Sans machine, le personnel ne peut espérer être repris par un nouvel entrepreneur ou mener à bien le projet actuellement à l’étude de se constituer en coopérative.

Alors les salariés se relaient sur le site sept jours sur sept et 24 heures sur 24, ou presque, car la nuit c’est à un vigile qu’ils sous-traitent la surveillance de l’outil de travail. Dans le local qui leur sert de quartier général, ils ont dressé auprès d’un sapin de Noël un tableau de service dans lequel ceux qui le peuvent ont leur tour de garde de 7 à 13 heures ou de 13 à 19 heures.

Une alerte téléphonique est instituée et sur un coup de fil, une trentaine de personnes pourraient se retrouver en moins d’une heure devant le portail de l’usine, tendu d’une banderole “Pilpa vivra”. Pour l’accès arrière de l’usine, la pose d’une chaîne et d’un cadenas pourvoit à son inviolabilité.

Les sentinelles sont rarement seules. Henry Garino, l’adjoint communiste au maire, est venu apporter le champagne et les chocolats. “Les amis viennent, tout le monde nous soutient”, dit Rachid Aït-Ouakli, élu CGT. Il y a là des enfants. Marie-Paule Coste, 30 années de Pilpa derrière soi, parle de “solidarité, de fraternité” renforcées par l’épreuve.

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écembre 2012 à Carcassone, dans le sud de la France (Photo : Remy Gabalda)

Ces fêtes ont quand même un goût “amer”, selon le mot de son collègue Teissière. Comme les autres, Marie-Paule Coste a le sentiment d’avoir été “trahie” par R&R qui, en achetant Pilpa, en voulait seulement à son carnet de commandes et aux licences pour les glaces Oasis et Disney, dit-elle.

Les salariés soutiennent que Pilpa est rentable. C’est faux, se récrie Lionel Rolland, directeur général de Pilpa et de R&R France, “le site perd de l’argent”. Si R&R ferme Pilpa, c’est à cause de la dégradation des chiffres du groupe et de ses surcapacités de production; mais c’est aussi pour sauvegarder le reste des 699 salariés du groupe en France, en Gironde, dans la Vienne et le Finistère, assure-t-il.

Il s’émeut des soupçons de coup fourré que la CGT selon lui fait peser sur R&R pendant les fêtes et qui vise “à nous faire passer pour les patrons voyous que nous ne sommes pas”. R&R a été “irréprochable” depuis le lancement de la procédure en juillet 2012, “pourquoi changerait-il entre Noël et le Jour de l’an ?” R&R ne touchera pas à la moindre machine avant la fin de la procédure sociale, même s’il en est le propriétaire, dit-il.

La direction et le personnel s’affrontent devant la justice sur le plan social, dont le juge a retoqué une première version le 11 décembre. Ils ont à nouveau rendez-vous au tribunal le 10 janvier.

L’usine, elle, reprendra la production le 8, sans savoir pour combien de temps.