Ayant participé aux Assises de la Société Civile qui ce sont tenues récemment à Monastir, il m’a été donné de constater, dans l’atelier débattant de l’environnement, l’acuité du problème de la pénurie d’eau auquel est soumise la Tunisie et les défies à relever pour réduire les effets handicapants entraînés par le manque de cet élément vital !
Profitant d’une pause café bien méritée, je me suis laissé à faire les cent pas en face de l’hôtel où se déroulaient l’évènement, en cette première journée d’hiver (le 21 décembre dernier), une journée bien ensoleillée. La météo semble confirmer les prédictions du rapport publié en marge de la conférence de l’ONU sur la lutte contre le changement climatique à Doha et selon lesquelles le monde arabe en paierait un lourd tribut: “Le climat des pays arabes va connaître des extrêmes de température sans précédent… le changement menacera les piliers essentiels du développement… L’eau sera moins disponible et avec la croissance de la population, cette région déjà pauvre en eau pourrait ne pas avoir les ressources suffisantes pour irriguer les récoltes, soutenir l’industrie, et fournir l’eau potable”.
Sur ces résonnances venues tout droit de ladite conférence, je lève le regard droit vers l’horizon et je constate un état des lieux qui semble immuable depuis la nuit des temps: une étendue de marais salant sortie tout droit de l’Antiquité sur une aire à perte de vue ! Il s’agit des Salines de Sahline.
En fait, cette étendue d’eau est constituée par des bassins communicants, alimentés d’eau de la mer distante d’un km à peine, languissant sous le soleil ardant, égrainant le temps à un rythme immuable pour aboutir à un château de sel de l’ordre de 400 mille tonnes par an dont la moitié environ est exportée du port de Sousse.
Ainsi, d’une superficie de 10 km² environ, dédiée à cette activité, le rendement de la fontaine d’énergie solaire débitant 3 750 kW / an au m², on n’en extrait que 400 mille tonnes de sel ! Maigre consolation !
C’était un exploit datant du milieu du vingtième siècle, avec les techniques rudimentaires de l’époque déjà lointaine, où la population de la Tunisie se chiffrait au 1/4 de l’actuelle et son niveau de consommation au 1/10 de celle d’aujourd’hui! Ce que confirme le taux de dépendance alimentaire de 70% constaté au cours de ces assises !
Mais avec le prodigieux progrès techniques de ce siècle, la production potentielle annuelle à tirer de ce champ écolo- solaire à ciel ouvert de 10 km², via une centrale électrique solaire à miroirs concentrateurs de Fresnel de 200 MW de capacité, adoptant la cogénération: eau déminéralisée versus électricité verte, serait attendue comme suit:
1) Eau douce : 600 millions de m3, 2 fois la production annuelle de la SONEDE ou 7 fois la capacité du Barrage de Nebhana soit à 7,5 kW/m3, l’équivalent de 4.500 millions de KW consommés à cet effet ! Avec cette eau, la SONEDE pourra améliorer aussi bien la qualité de l’eau potable distribuée pour l’aligner sur les normes de l’OMS en contrôlant 100% de ses constituants au lieu des 35% actuellement, ainsi que la quantité fournie, en continue, lors des grandes canicules.
2) Sel : 18 millions de tonnes, 10 fois la production nationale de ce produit !
3) Électricité verte: 2.500 millions de kW, le 1/5 de la production nationale actuelle.
4) CO2 évité: 2,500 millions de tonnes, quota négociable selon les accords de Kyoto à 40 euros/T environ.
5) Emplois générés : L’injection de cet apport supplémentaire de 15% d’eau de nos ressources renouvelables permettra la création de pas moins de trente mille postes d’emplois permanents. Soit 50% de plus que ceux promis par le chef du gouvernement en conducteurs de Toctoc qui iront bientôt pétarader jusqu’aux ruelles de nos villes à ce jour encore “épargnées“ et bouffant ainsi l’espace “réservé“ aux piétons, ajoutant ainsi à la pollution atmosphérique ambiante une pollution sonore ! Ces derniers emplois “gris“, consacreront plutôt un mode de développement suranné et désuet datant du milieu du siècle dernier alors que notre Révolution a été engagée par souci de plus de bien-être !
Ainsi, de cette manne nominale du ciel de 37,5 milliards de KW/an, on n’en a pu extraire, avec la technique en vigueur, et malgré un butin conséquent, que 7 milliards de KW, soit 17% uniquement du potentiel diffusé par le soleil! Il y a encore beaucoup de progrès à faire. Mais en adoptant de telles techniques, on espère retrouver l’autosuffisance alimentaire et par delà l’autonomie de notre décision souveraine !
Les autres salines du pays pourraient être aménagées ainsi !
Jusqu’à quand continuerons-nous à bouder les bienfaits du chalumeau du ciel ou de les brader aux tiers d’outre-mer comme ça a été le cas pour le mégaprojet TuNur qui a commencé à arpenter nos terres du Sud, pour en extraire de l’or vert afin d’éclairer châteaux et chaumières européens alors que nos prairies meurent de soif et se désertifient chaque jour davantage?
Boostés par l’énergie créatrice de notre Glorieuse Révolution, nous pouvons espérer plus de la coopération d’avec la rive nord-méditerranée afin d’instaurer un mode d’échange équitable gagnant/gagnant dans ce domaine.
Aussi bien pouvons-nous coopérer avec l’un des pays émergeants du BRICS, dont le quota de CO2 freinait l‘élan de développement, telle que la Chine par exemple, qui vient de se hisser au sommet du podium dans le domaine de l’énergie solaire et qui sera bientôt à 40 GW de capacité installées, soit l’équivalant de quarante centrales nucléaires ! Elle pourrait être intéressée par de tels projets d’investissement, somme toute “mineurs“ pour être rémunéré uniquement par du carbone évité… et du sel!
Il est permis d’espérer de reverdir nos contrées et de fouler de plain-pied le club des nations développées en se libérant du joug du stress hydrique endémique et sortir du seuil de vulnérabilité par apport à cette denrée précieuse grâce à l’énergie solaire afin d’atteindre la dotation salutaire fixée par la FAO à 2.000 m3/ha/an ! Amen.