A Hammamet, les vacances scolaires sont certes là. Mais les hôtels ne font pas bien courir la foule. Gardien dans un hôtel, Imed, qui attend, sur une artère de Hammamet Sud, un taxi pour rentrer à Bouficha (20 kilomètres au sud de la ville), essaye d’avoir le moral, tant bien que mal…
Barraket Essahel, à l’entrée de la ville de Hammamet. Vendredi 21 décembre 2012. 7 heures 45. Une foule hétéroclite se presse devant les taxis collectifs placés de part et d’autre de la route nationale n°1, en direction de la coquette cité touristique de Hammamet Sud.
Blouson en cuir, la trentaine, Mohamed fait partie du lot. Il s’accroche à la portière d’un taxi collectif à 500 millimes la place. «Je compte mes sous depuis quelques temps. Je ne peux me permettre de me payer un taxi à 800 millimes (situé de l’autre côté de la route», précise-t-il. Avant de poursuivre: «Je travaille cinq mois sur douze. Je suis marié, père d’un bébé de six mois, locataire et mon épouse est au chômage depuis deux mois».
Il faut dire que le tourisme ne va pas fort dans ce pendant de la ville du jasmin. A croire Mohamed, cuisiner dans un hôtel géré par une chaîne espagnole, l’attaque de l’ambassade américaine du 14 septembre 2012 a été ressentie comme une onde de choc par de nombreux tours opérateurs espagnols. «Vous allez remarquer du reste que Hammamet Sud ne connaît une animation qu’au moment de l’arrivée et du départ des employés des hôtels, des restaurants et autres commerces», souligne-t-il.
Mais pour quel résultat?
10 heures. Quelques taxis passent de tant à autre sur une des deux importantes artères de Hammamet Sud scrutant le moindre client. Les voitures se font encore rares. Gardien dans un hôtel, Imed, qui attend un taxi pour rentrer à Bouficha (20 kilomètres au sud de Hammamet) essaye d’avoir le moral: «J’espère que cela va bouger avec les vacances scolaires. Certes, nous y sommes depuis lundi dernier. Mais ça peut partir à tout moment», lance-t-il, engoncé dans un anorak acheté, insiste-t-il, à la friperie.
Changement de décors, la vieille ville de Hammamet. Place du fort. Il est 11 heures et nombre de boutiques d’artisanat ont déjà ouvert leurs portes. «Mais pour quel résultat?», s’interroge Ismaël, qui a pris l’une d’elles en gérance depuis 2009. «Certaines ont fermé depuis des mois, d’autres ont changé de propriétaires ou de gérants et tout le monde survit à peine», regrette-t-il.
Un peu plus loin, quelques Tunisiens, venus pour les vacances scolaires, prennent un café ou un jus d’orange sur la terrasse du café Sidi Bou Hadid. Un peu plus haut, la terrasse dont les bancs sont construits en dur est «tellement désertée que l’on peut s’y allonger pendant des heures sans que l’on soit dérangé», grimace un habitué des lieux, un retraité qui a choisi de venir vivre sa retraite à Hammamet.
«Ils sont partis et leur pouvoir d’achat avec»
«Je connais plein d’amis dont des étrangers qui ont quitté la ville pour aller s’installer ailleurs, notamment en Europe», affirme-t-il. En apportant cette précision: «Ils sont partis et leur pouvoir d’achat avec».
Devant Bab Belguith, devant la grande place de Hammamet, qui fait face aux remparts de la ville, un couple de touristes allemands est installé sur un banc public profitant d’un peu de soleil. Habillés chaudement, chaussettes et sandales aux pieds, ils boivent dans un gobelet un chocolat au lait acheté dans un café situé juste en face. «Voilà les touristes que nous avons hérités de la récession européenne», note amusé, Farouk, un enseignant originaire de Tozeur, venu passer une semaine chez ses beaux-parents.
19 heures 30. Le restaurant de Lella Baya ne compte pas plus d’une centaine de personnes. Pour l’essentiel des vacanciers tunisiens et quelques personnes venues pour suivre des séminaires de formation en intra-entreprises. Quatre couples de touristes, des seniors sont là.
Le buffet ne présente pas un grand choix. Point de poissons, peu de viandes, un peu de merguez et beaucoup de plats à base de légumes. De fruits, il n’y a que des agrumes. Et beaucoup de gâteaux finement coupés. Dans une des tables, des clients tunisiens rouspètent un peu. L’un d’entre eux explique que cela est tout à fait normal. Il faut minimiser les coûts par cette période où l’hôtel vit en situation de «veille». Eclats de rires.
Dehors, et par un grand froid (16 degrés), il n’y a pas beaucoup d’âmes qui bougent. Les restaurants et les cafés sont certes ouverts. Mais qu’ils s’appellent «Le village», «Steak house», «L’éléphant», le «Taj Mahal», «El Pacha», la «Tour d’Or», le «Safsaf» ou encore le «Charlemagne», ils ne pas font pas courir les foules.
On s’y accroche pourtant. Devant le restaurant libanais «Al Qalâa», un jeune serveur, chemise blanche, pantalon, cravate et chaussures noirs, est déjà sur le trottoir qui fait face à un imposant bâtiment, abritant le restaurant, qui rappelle les grandes bâtisses orientales de Beyrouth (Liban), d’Amman (Jordanie) ou de Damas (Syrie), devant laquelle trône deux canons qui ressemblent comme deux goutes d’eau à ceux qui ont servi aux combattants de la légion arabe de Lawrence d’Arabie, distribue un flyer qui loue les qualités culinaires du restaurant qui l’emploie.