La Caisse de compensation va engloutir plus du 15% du budget de l’Etat en Tunisie pour l’année 2013. Ce qui constitue une somme énorme, et cela se fera aux dépens de la production agricole locale, puisque la Tunisie compense indirectement l agriculteur étranger en payant la différence de prix entre le prix d’achat sur le marché international et le prix de vente en Tunisie, rendant sa production achetable en Tunisie et surtout aux dépens des projets d’investissements et de créations d’emplois.
En effet, l’analyse des produits subventionnés montre, sur l’année 2012, une hausse quasi générale des produits céréaliers et importés, au rang desquels le blé, l’orge et le maïs, et servant d’aliments pour bétail. En même temps, on a remarqué la baisse de 5 produits, en l’occurrence le coton, le cacao, le café, le sucre et le gaz; et que le prix du pétrole est resté stable.
Pour l’année 2013, et selon la FAO, la production mondiale de blé va reculer de 5%, celle de l’orge de 7%, et une stabilité de la production du maïs. Toujours en 2013 et toujours selon les prévisions de l’institution onusienne, le prix de l’orge va équivaloir à celui du maïs, ce qui va impacter directement le prix des fourrages et donc le prix du lait et de la viande rouge et blanche… du fait que la Tunisie importe l’essentiel de sa consommations de fourrages.
L’impact direct pour la Tunisie de l’augmentation continue d’une année à une autre des prix du blé, de l’orge et du maïs -alimentation animale par excellence-, se chiffre par des coûts supplémentaires en devises au niveau de la Caisse de compensation. Actuellement la forte compensation du prix du pain en Tunisie crée une situation unique dans le monde, selon certains analystes. D’ailleurs, le pain est illégalement utilisé comme aliment pour bétail en Tunisie ou comme complément d’alimentation.
Un seul indice vous permettrait, peut-être, de saisir l’ampleur de ce phénomène. Il faut savoir que le premier gouvernorat producteur de lait en Tunisie, ce n’est pas Béja, ni Jendouba ou le Cap Bon, mais plutôt celui de Sfax où la production fourragère est presque nulle. A cause de l’agriculture hors sol et basée sur les fourrages industriels, donc importés.
Autant dire donc que la Tunisie compense l’agriculteur étranger, alors que la hausse des prix internationaux de blé, orge et maïs devrait nous inciter à développer la production céréalière et des fourrages destinée comme alimentation au bétail. Malheureusement, c’est le contraire que fait notre pays, en bloquant les prix à la production des céréales, incitant indirectement l’agriculteur à abandonner cette culture pour s’orienter vers les cultures spéculatives, dont les prix sont libres, comme l’arboriculture fruitière et l’oléiculture, avec son concert de surproduction.
D’ailleurs, l’agriculteur tunisien consacre les meilleures terres pour ces cultures spéculatives, et ce aux dépens des cultures compensées et dont les prix sont fixés par l’Etat. La céréaliculture en Tunisie est essentiellement extensive, sur des terres marginales et les surfaces emblavées qui dépendent chaque année de la pluviométrie.
Pourquoi voulez-vous que l’agriculteur tunisien mise sur la céréaliculture au moment où l’Etat biaise le marché, en fixant unilatéralement le prix de vente à la production et en accaparant le droit de stockage et de transport ? Le marché céréalier en Tunisie est un marché à la soviétique, où l’Etat constitue son opérateur aux dépens de l’agriculteur et des opérateurs privés.
Rappelons que l’expérience en Tunisie sur 60 ans a montré, de façon systématique, qu’à chaque fois l’Etat a libéralisé le prix à la production d’un produit agricole, le pays a comblé son déficit et il est devenu excédentaire et exportateur. C’est le cas de l’aviculture, de l’huile, d’olive, de la culture fruitière… Du reste, tous les produits agricoles dont les prix sont libres à la production sont excédentaires, alors que tous les produits agricoles dont les prix sont fixés par l’administration sont déficitaires en production et ne couvrent pas les besoins de la population.
Ce qui veut dire que la hausse continue des prix internationaux des céréales devrait plutôt nous inciter à développer et à encourager la production céréalière, créant au passage des emplois et des richesses en Tunisie. Pour un pays qui fut, rappelons-le, le grenier de Rome.
Outre la surconsommation, le gaspillage du pain, ou des grosses quantités sont jetées quotidiennement dans les poubelles; puis rien qu’avec le prix d’un café ou d’un journal, on pourrait acheter au moins 3 baguettes.
Le lait est exposé à un problème de contrebande, car sur 22 pays méditerranéens, la Tunisie serait le pays où le prix du lait est le moins cher, ce qui incite à son exportation illégale. En effet, le prix public actuel du lait serait inférieur à son coût réel d’au moins de 250 millimes. Ce qui risque de provoquer la faillite des éleveurs d’ici 2 ou 3 ans. Surtout que le litre de lait en Algérie coûte 3 dinars tunisiens et 2,4 dinars tunisiens en Libye, rendant le trafic des produits laitiers très rentable avec des marges de 300%. Ce qui explique qu’on retrouve le lait tunisien, non seulement sur ces deux marchés, mais également au Tchad, en Mauritanie, au Mali et au Niger.
Même en Tunisie le prix de vente du lait a été libre de manière détournée. En effet, le prix de vente d’un litre de lait de 1,060 dinar tunisien est introuvable, alors qu’on trouve le lait importé à 1,350 dinar, et le lait 0% à 1,260 dinar. Ce qui est un détournement du prix fixé de 1,060 DT.
Pourquoi l’Etat accepte un prix libéré pour d’autres variantes de lait et même celui importé mais ne l’accepte pas pour le lait de base?
Donc, le schéma actuel à travers le biais de la Caisse de compensation pour les céréales laisse à penser que la Tunisie s’achemine progressivement vers une faillite certaine et un déficit agricole de plus en plus grave et même irréversible.
Il serait plus judicieux de repenser cette politique de compensation et de s’orienter vers une libéralisation du prix à la production des produits agricoles pour les aligner sur les prix internationaux et d’instituer une compensation pour les plus démunis, via des primes à la consommation directement versées par l’Etat par la CNSS et sur la base des revenus annuels. Ce qui est à même de toucher les couches les plus vulnérables en Tunisie et non les couches aisées.