Beaucoup se posent la question de savoir où va la Tunisie. Cette question, on se la pose depuis des mois, un an et quelques mois… La Tunisie va-t-elle se transformer en un champ de bataille ou de ruines? Résistera-t-elle aux opportunistes, aux gauchistes, aux barbus, aux spectateurs, aux incapables et autres impuissants? Faut-il se fier à une majorité silencieuse ou à une minorité agissante? Faut-il se demander que veut Rached Ghannouchi ou que peut le Tunisien?
Le chef du parti islamiste mène la danse mais ne lui donne-t-on pas plus de pouvoir qu’il n’a? A force de dire une chose et son contraire, qui sait ce qu’il pense au fond et quelles sont ses intentions? Ses projets et ambitions reculent en fonction de la résistance. Jusqu’où reculera-t-il avec son parti-mouvement pour garder le pouvoir?
Cette question est au cœur de toutes les conversations. Longtemps soufflée, elle figure désormais dans les débats publics (medias, tables rondes, communication politique), et il n’y a plus une conversation sans «wild el soltane». Le caractère intouchable de chef du parti Ennahdha est tombé. Le “Si“ Rached Ghannouchi tel qu’exigé par le secrétaire d’Etat de l’Immigration Houcine Jaziri sur un plateau de télévision prouve la sensibilité du sujet. Habib Ellouze a appelé Rached Ghannouchi à se retirer de la vie politique et de s’en tenir aux prêches! Affront? Non, pratique démocratique, nous répond-on!
Mais que veut Rached Ghannouchi? Nul n’ignore sa stratégie et tous découvrent son jeu tactique au fil des circonstances. Si un bon paquet de citoyens le savent, il n’est plus nécessaire d’être devin ni d’être pris pour un charlatan manipulateur puisque l’épisode des vidéos a tout dévoilé, y compris à ceux qui n’avaient pas compris. Que veut Rached Ghannouchi? Le savoir va de l’intérêt de la Tunisie. Mais que voulons-nous savoir qu’on ne le sait déjà ?
Du Tunisien moyen au chercheur, en passant par les politiques avertis, on capte les bruits de couloir de Montplaisir, partage et crée les rumeurs, écoute les discours et scrute les déclarations afin de décrypter un discours haineux, diviseur et donc périlleux.
Les plus optimistes croient encore que tout n’est que question d’interprétations. Et c’est précisément là le problème. On ne peut continuer d’avancer à l’aveugle suivant toutes les interprétations possible des discours multiples et contradictoires d’un parti changeant et ambitieux, cachant son jeu autant que son échec. Un parti qui semble dire «j’y suis, j’y reste… Je veux bien rester avec vous mais c’est comme je l’entends!».
Rached Ghannouchi n’est ni Dieu, ni prophète, ni «radhia allah anhou», et encore moins chef d’Etat. Ce qu’il pense, veut et va faire doivent être clairs à tous les Tunisiens. Un pays ne se gère pas comme un parti. La Tunisie est bien plus grande qu’un mouvement ou une révolution. On ne peut continuer à avancer sans savoir qui commande le pays. Une Troïka fantoche, un président provisoire autant que dérisoire, un chef d’Assemblée constituante esseulé et isolé, un chef du gouvernement qui boit la tasse et on ne sait trop s’il est avec la Tunisie ou avec son parti.
La Tunisie a besoin de savoir. C’est une nécessité et une urgence. Les interprétations et autres supputations sont dangereuses. La Tunisie ne peut continuer d’avoir pour feuille de route une volonté mercure ou ghannouchienne!
Le pays vit en mouvement où tous les vecteurs de communication sont en train d’exploser. Il est vital et fondamental de connaître la pensée de tout le monde. Les mots ont un sens. Un engagement a un sens, et une responsabilité s’assume; et il faut rendre des comptes. Cet état de suspension ne peut plus durer. Qui osera un discours à l’heure du règne des prêches?