éricain Bill Richardson (c) |
[09/01/2013 07:58:54] SEOUL (AFP) La visite du patron de Google en Corée du Nord laisse plus d’un observateur pantois: que va faire Eric Schmidt, défenseur de la liberté de l’internet, dans un des pays les plus reclus au monde, où l’accès à l’information non officielle est quasi impossible et durement sanctionné?
Eric Schmidt, en visite “humanitaire privée” de trois jours avec l’ex-diplomate américain Bill Richardson, symbolise ce contre quoi le régime de Pyongyang se bat depuis des décennies, à savoir l’accès à une information non censurée.
“Google a dû se plier à des compromis délicats et a été la cible de vives critiques pour ses efforts à soutenir une présence en Chine face à la censure du gouvernement” chinois, rappelle Stephen Haggard, expert sur la Corée du Nord à l’Institut Peterson.
“Ils ne sont pas à blâmer pour essayer avec Pyongyang mais le géant de l’information a sans doute rencontré plus fort que lui”, ajoute l’expert. “Vous imaginez la réponse de Kim Jong-Un (le dirigeant nord-coréen) à une présentation PowerPoint de Schmidt sur le pouvoir libérateur de Google?”.
Pour les 24 millions de Nord-Coréens, la révolution de l’information numérique est purement théorique, notamment en matière de communication avec le monde au-delà de leurs frontières.
Radios et télévisions sont bloquées de manière à ne pouvoir diffuser que les stations et les chaînes étatiques. Quant à surfer sur l’internet, c’est tout bonnement impossible pour l’immense majorité de la population.
La visite de MM. Schmidt et Richardson vise officiellement à convaincre le Nord de relâcher un Américain d’origine coréenne, arrêté par Pyongyang le mois dernier.
Mais le Nord a son propre agenda: “La délégation de Google Corp. des Etats-Unis arrive”, a titré l’agence officielle KCNA lundi, au premier jour de la visite des deux hommes.
Bien que les Nord-Coréens vivent sans doute dans le pays le plus coupé du monde, le Nord n’est pas un désert total en matière de technologies de l’information.
Un réseau intranet intérieur existe depuis 2002, certaines agences gouvernementales ont leur propre site, et les téléphones portables ont été introduits en 2008, via une société conjointe avec la firme égyptienne Orascom.
éennes utilisent un téléphone portable dans un parc de Pyongyang, le 22 septembre 2010 (Photo : Ian Timberlake) |
Les développements économiques en Corée du Nord ne sont autorisés que s’ils ne menacent pas le régime communiste, où le pouvoir se transmet de père en fils depuis trois générations. Le million d’abonnés au téléphone portable peuvent ainsi s’appeler, mais pas téléphoner hors des frontières.
L’intranet, déjà accessible à très peu, est lui aussi coupé du monde et ne publie que des informations approuvées par le pouvoir. L’internet véritable est réservé à une super-élite, d’un millier de personnes au plus.
Pour 95% de la population, il n’y a ni portable ni intranet.
Mais des analystes tels que Scott Bruce, expert de ce pays, soulignent que les 5% qui ont accès à ces outils modernes représentent un développement significatif et sans précédent pour le Nord.
“La Corée du Nord a connu une évolution fondamentale: cet Etat qui limitait l’accès aux technologies d’information pour assurer la sécurité du régime est devenu un Etat prêt à s’en servir comme outils, au moins au sein de la classe privilégiée, pour soutenir le développement national”, écrit l’expert dans un rapport pour le Centre est-ouest basé à Hawaï.
Ca devrait inciter les Etats-Unis à encourager le développement de ce secteur, “une opération qui a le potentiel de transformer cet Etat sur le long terme”.
Pour le moment, Washington s’est montré très réservé sur le bien-fondé de la visite des deux personnalités américaines, estimant que le moment était mal choisi, moins d’un mois après le tir controversé d’une fusée par Pyongyang.
Les analystes notent par ailleurs que les frontières ne sont plus aussi hermétiques qu’auparavant. Des portables chinois introduits en contrebande permettent de téléphoner à l’international. Les DVD, MP3 et clés USB, eux aussi introduits en fraude, sont autant de fenêtres ouvertes sur l’extérieur, malgré les risques encourus si l’on se fait prendre.