Le bilan économique en 2012 et les perspectives de croissance pour 2013 constituent, ces jours-ci, la thématique favorite de l’ensemble des analystes et autres observateurs de l’économie tunisienne. Parmi les analyses les plus pertinentes, figure, en bonne place, celle de Hachemi Alaya, universitaire et expert économique.
Dans deux interviews distinctes accordées à Radio Express Fm, l’expert a déclaré dans la première, qu’en 2012, «la Tunisie a, certes, évité la récession mais a raté la relance», tandis que dans la seconde il a esquissé quatre scénarios de croissance pour 2013 (vert, orange, rouge et noir) et conditionné le succès de ces projections par l’amélioration des débouchés extérieurs des produits locaux, du trend haussier prévu des cours des matières premières importées (céréales, hydrocarbures, thé, sucre…) et de l’amélioration du climat politique dans le pays (sécurité, amélioration de la visibilité, divers consensus…).
En voici l’essentiel.
Dressant un bilan de l’année 2012, Hachemi Alaya n’a pas relevé des dérapages notoires dans l’exécution du budget général de l’Etat 2012. Il a même détecté des améliorations. Selon lui, les augmentations salariales et les aides généreuses du gouvernement de transition aux couches démunies ont permis une croissance par la consommation et ont eu pour effet positif d’atténuer, un tant soit peu, les inégalités entre les catégories sociales et les régions.
Cependant, il a ajouté que le taux de croissance réalisé (2,5% à 3%), au cours de cet exercice, n’a pas permis de résorber le chômage (17%), particulièrement le chômage des diplômés, et a été accompli au prix d’une lourde facture: un déficit budgétaire de 6,5%, un déficit courant de 7 à 8% et une inflation de 6%.
Il a indiqué que cette croissance a été possible grâce au bon comportement de l’agriculture (récolte céréalière satisfaisante…), à la reprise du secteur touristique et à l’accroissement de l’investissement public.
Concernant l’investissement en 2012, il a relevé le recul de l’investissement privé (décroissance de l’investissement dans l’industrie) et même de l’investissement public en ce sens où les 6 milliards affectés au budget de développement n’ont été dépensés qu’environ pour moitié, pour ne pas dire moins.
L’expert tunisien a tenu à minimiser l’augmentation de l’investissement dans les services (+33%, selon les statistiques officielles) et imputé cet accroissement à l’acquisition par la Compagnie tunisienne de navigation (CTN) et par Tunisair, respectivement d’un car ferry «Tanit» et d’un nouvel avion (Airbus A320).
Commentant cette contreperformance, l’expert a notamment dit: «En matière d’investissement, le gouvernement a intérêt à se préoccuper en priorité de la création d’employeurs que d’emplois. Car, un pays qui n’investit pas ne peut pas créer des emplois». Et de nuancer, ensuite, sa pensée en ces termes: «De nos jours, le Tunisien a plus besoin de job que de subvention».
Il expliquera la régression de l’investissement par l’absence de visibilité et par l’inexistence d’un agenda, voire d’un échéancier clair pour la relance de l’économie.
Autres indicateurs évoqués par Hachemi Alaya: les réserves en devises sont estimées, actuellement, à 114 jours d’importation. Le dinar s’est déprécié de 6% par rapport à l’euro. Quant au montant de la thésaurisation, il se chiffrerait à 700 MDT.
Interpellé sur le rôle des banques dans la relance de l’investissement, il a fait observer que la réforme du secteur est impérative car sans finance saine et solide, il ne peut y avoir ni croissance ni investissement, faisant observer que la Banque centrale de Tunisie (BCT), l’institution la plus habilitée à piloter cette réforme, a perdu deux bonnes années à débattre de questions marginales du genre l’indépendance de cette institution et autres…
Concernant l’exercice 2013, il a soutenu, globalement, qu’il ne sera pas meilleur que celui de 2012. Quant aux scénarios précités, il a opté pour le scénario orange qui suppose une relance de l’économie du pays, à partir du dernier trimestre 2013 à la faveur de la reprise souhaitée des principaux partenaires étrangers de la Tunisie (France, Allemagne, Grande-Bretagne, Italie, Espagne, Belgique…).
Sur le plan intérieur, le scénario orange suppose, aux yeux de l’expert économique, l’adoption d’une Constitution, d’une loi électorale et d’un consensus sur le prochain échéancier politique. L’ultime but étant, pour lui, d’éviter que «les campagnes électorales ne se transforment en guerres électorales, et ce au regard des divergences profondes entre les programmes des partis en lice».
En accompagnement à cette amélioration du climat politique intérieur, Hachemi Alaya a suggéré, outre la réduction du nombre des ministres à une dizaine (Défense, Intérieur, Affaires étrangères, Justice, Education, Economie, Affaires sociales, Enseignement supérieur…) et le regroupement de tous les guichets uniques sectoriels en un seul guichet, une condition sine qua non pour la relance de l’investissement dans le pays.