RETOUR SUR – Un an après la perte du “triple A”, la France gâtée par les marchés

photo_1357893762753-1-1.jpg
ée à Paris (Photo : Bertrand Guay)

[11/01/2013 08:44:08] PARIS (AFP) Il y a un an, la nouvelle tombait telle un coup de tonnerre: la France avait perdu son “triple A”. Ce devait être une sanction. Douze mois et une alternance plus tard, il n’en est rien, et le pays se paye même le luxe de s’endetter au plus bas prix de son histoire.

“Ces notations agitent beaucoup de monde, mais en général elles ne surprennent pas les marchés, elles ratifient plutôt la pensée dominante des investisseurs”, relève Charles Wyplosz, professeur d’économie à l’Institut universitaire de hautes études internationales de Genève.

Standard and Poor’s (S&P) fut la première des trois grandes agences d’évaluation financière à dégainer, rétrogradant le 13 janvier 2012 la France d’un cran, à AA+.

En pleine campagne présidentielle, l’affaire prit rapidement une tournure très politique, d’autant que le chef de l’Etat de l’époque, Nicolas Sarkozy, avait fait de la sauvegarde de cette note d’excellence “un objectif et une obligation”. Son adversaire socialiste pour l’élection du printemps, François Hollande, eut beau jeu de considérer que la politique de la droite avait été “dégradée”.

Mais une fois devenu président de la République, François Hollande a eu droit à sa propre “dégradation”, par Moody’s, qui a emboîté le pas de S&P le 19 novembre.

Si Fitch reste la seule agence mondiale à maintenir le AAA français, elle envisage aussi d’abaisser la note cette année. Et, quoi qu’il en soit, la France ne peut plus se targuer de faire partie du club de plus en plus fermé des Etats notés “triple A” par toutes les agences – à l’inverse de l’Allemagne.

Théoriquement, ce sésame est un gage de bonne gestion financière censé encourager les investisseurs à acheter les obligations émises par un pays. Le perdre devait donc être synonyme d’un déclassement de Paris, et d’un renchérissement de sa dette.

Le bilan chiffré démontre tout le contraire. Le taux d’intérêt des obligations françaises à dix ans était le 13 janvier 2012, sur le marché de la revente, de 3,075%. Un an plus tard, la France a emprunté la semaine dernière, le 3 janvier, au taux de 2,07% sur la même échéance de dix ans, soit un nouveau plus bas historique.

“Normalisation”

photo_1357893819157-1-1.jpg
à New York (Photo : Emmanuel Dunand)

Surtout, le fameux “spread”, ou différentiel, entre le taux français et la référence allemande a fondu en douze mois, passant d’environ 130 points de base (1,3 point de pourcentage) à seulement une soixantaine de points aujourd’hui, malgré le décrochage acté par les agences de notation.

“Le spread était certainement excessif” avant la dégradation par S&P, estime aujourd’hui Cyril Régnat, spécialiste du marché obligataire à la banque Natixis, évoquant des “attaques spéculatives” contre la France.

La baisse des taux français a donc été par la suite une “normalisation”, selon lui, mais Paris a aussi bénéficié d’une recherche de la “rentabilité”.

“La dette allemande est certes très sûre, mais elle n’est pas du tout rentable, alors que les obligations françaises offrent un peu plus de rentabilité”, souligne encore M. Régnat.

“Si les taux français ont baissé, c’est aussi parce qu’ils ont bénéficié de la panique qui a touché l’Espagne et l’Italie”, renchérit Charles Wyplosz.

Quoi qu’il en soit, les bonnes conditions auxquelles la France emprunte lui ont permis de faire des économies: la charge de la dette devrait avoir atteint en 2012 quelque 46,4 milliards d’euros, soit 2,4 milliards de moins que dans les prévisions initiales.

Quant au débat sur les agences de notation, malgré une nouvelle violente charge venue cette fois d’une mission d’information sénatoriale, il n’a abouti à aucun changement majeur des règles du jeu.