L’Assemblée nationale constituante (ANC) n’est pas parvenue, lundi 7 janvier, à ratifier la convention multilatérale de l’Organisation de coopération et de développement économique (OCDE) sur l’évasion fiscale, à défaut de quorum. Il manquait une voix pour sa ratification, ce qui dit long sur l’absentéisme dans cette institution sensée donner l’exemple.
Elle n’a pas réussi, également, à l’adopter, une seconde fois au cours de la même séance après le consensus qui s’est dégagé entre les groupes parlementaires pour sa ratification, et ce après le désistement, à la dernière minute, du groupe Ennahdha qui, à sa demande, l’ANC a décidé de renvoyer de nouveau le projet en commission, sous prétexte qu’il n’était pas clair, sans quelques passe-d’armes avec les constituants de l’opposition.
D’habitude calme, Abderrahmane Laghdham, ministre chargé de la Gouvernance et de la Lutte contre la corruption, était, ce jour là, dans tous ses états. Il ne comprenait pas comment la ratification d’une convention pareille puisse traîner encore après sa signature par le gouvernement, il y a six mois (16 juillet 2012).
Il est d’autant plus inquiet que ce rejet intervient à la veille d’un remaniement ministériel imminent et risque de renvoyer ce projet aux calendes grecques en ce sens où il pourrait être remplacé dans son poste par un autre ministre qui exigerait plus de temps pour comprendre les enjeux de cette convention.
En fait, que propose cet accord multilatéral auquel ont adhéré, jusqu’ici, 38 pays seulement.
Selon les normes exigées par cette convention, les autorités fiscales des pays membres peuvent, selon la règle de la réciprocité, accéder à des informations fiscales et données bancaires en dehors du strict cadre de la procédure pénale. Ces normes stipulent :
– L’échange, sur demande, de renseignements “vraisemblablement pertinents pour l’administration ou l’application de la législation interne du cosignataire. Ceci exclut notamment la “pêche au renseignement“ ou data-mining.
– L’absence de restrictions à l’échange de renseignements motivées par le secret bancaire ou par des exigences tenant à l’intérêt fiscal national.
– La possibilité d’accéder à des renseignements fiables et l’utilisation des pouvoirs permettant de les obtenir.
– Le respect des droits des contribuables.
– Le strict respect de la confidentialité des renseignements échangés.
Pour Abderrahmane Laghdham, cette convention, pour peu qu’elle soit adoptée par l’ANC, permettra de lutter plus efficacement contre la corruption et d’améliorer l’image de marque de la Tunisie en matière de transparence, de bonne gouvernance et d’intégrité.
Plus précis encore, Pascal Saint Amans (France), directeur du Centre de politique et d’administration fiscales (CTP) à l’OCDE, qui était de passage à Tunis en mai dernier, estime que la ratification des conventions sur l’investissement (déjà ratifiée) et sur l’évasion fiscale (non ratifiée) entre la Tunisie et l’OCDE permettra aux autorités tunisiennes «d’accéder à toutes les informations sur les investisseurs étrangers et sur les Tunisiens en fraude du fisc».
La question qui se pose dès lors c’est pourquoi les nahdhaouis craignent-ils cette convention comme l’attestent leurs tergiversations et leur tendance à traîner du pied avant de ratifier cette convention qui ne compte que des avantages pour la Tunisie et les Tunisiens? Auraient-ils des choses à cacher au fisc? Nous ne pouvons apprécier leur bonne ou mauvaise volonté que lorsque cette convention sera ratifiée ou non. Donc attendons.
Est-il besoin de rappeler que la Tunisie, qui sera le premier pays africain et arabe à adhérer à cette convention, pourrait récupérer, par le biais de cette convention, d’importants fonds transférés illégalement à l’étranger.
Pour mémoire, cette convention a été mise en place en 2005, à la demande des principales puissances (notamment le G20) afin de limiter le secret bancaire et de favoriser la coopération internationale dans un objectif de lutte contre l’évasion fiscale, suite notamment à la crise financière issue des subprimes et aux «récents scandales liés à la fraude fiscale».