Pour que la justice retrouve son lustre, il faut que la magistrature dispose de sa pleine indépendance, soutient l’Association des Magistrats Tunisiens (AMT). Et, de rajouter qu’il ne s’agit pas d’une revendication corporatiste mais bien d’un objectif prioritaire pour la démocratie.
Quelle réforme de l’appareil judiciaire sera mise en place?
L’Association des Magistrats Tunisiens est toujours dans l’expectative. Elle attend que le gouvernement se décide à activer la réforme de la justice. Aussi, elle manifeste, de nouveau, son impatience. Elle a pris l’initiative d’un deuxième sit-in devant le siège de l’ANC, jeudi 10 courant. Le premier sit-in, qui remonte au mois d’avril dernier, était destiné à sensibiliser la classe politique. Le deuxième est un acte de protestation.
D’ailleurs, les dirigeants de l’Association ont interpellé les constituants pour les gagner à leur cause. L’Association considère que le différé de cette réforme a permis au ministre de disposer de «prérogatives discrétionnaires» pour décider de certaines mesures concernant le corps des magistrats. Plus encore, il aurait mis à contribution l’ancien Conseil constitué sous l’ancien régime. L’Association dit en substance qu’ils vivent cette situation comme un outrage à la révolution.
Quelles raisons à la colère des juges?
Une attitude dilatoire
Les dirigeants de l’Association ont rendu publique la plateforme de leur action de protestation, lors d’un point de presse, tenu mercredi 9 courant à Tunis. Leur point de départ est que la réforme convenue lors de la première manche de la transition ne vient toujours pas. Il y a comme une attitude dilatoire de la part du gouvernement à créer le Conseil supérieur de la magistrature, cuirasse de vulnérabilité de la justice. C’est le rempart d’indépendance, qui protègerait de l’ingérence du ministère, préservant le judiciaire de l’intervention de l’exécutif.
L’ennui est que, dans l’intervalle, le ministère avait les mains libres pour agir, notamment pour le mouvement des nominations des magistrats. Et, même pour les promotions. Ce qui est inadmissible, c’est que l’ancien Conseil, qui remonte au temps de l’ancien régime, est venu en renfort. Sacrilège!, disent les dirigeants de l’Association.
Il a été convenu que l’ANC créerait un Conseil provisoire, qui aurait siégé, à sa place. Outre cela, l’Association considère que le projet de loi créant le nouveau Conseil n’abonde pas dans le sens d’une indépendance effective. Seul le quart des membres du Conseil seront élus par la base des inscrits à l’Association. Les trois autres quarts seront désignés. La moitié du Conseil viendrait du corps des juges et un quart de personnalités, de la société civile, on va dire.
Le principe du vote doit être le principe pour la représentation au sein du Conseil, disent les dirigeants de l’Association.
Par ailleurs, la non-homogénéité du Conseil n’est pas, non plus, conforme à leurs attentes.
L’action des juges peut-elle aboutir?
La parole est à la défense
La notoriété militante de l’Association lui procure une audience certaine. Son mouvement de protestation possède une arête démocratique, bien en relief. Cela confère à leur action du jeudi dernier une dimension nationale et, nous ajouterons, populaire. C’est d’ailleurs ce qui a poussé ces dirigeants à piloter l’opération de bout en bout veillant à ce qu’il n‘y ait aucun débordement. Ils ont accepté que des citoyens et la société civile les épaulent par leur présence, mais ils restaient les seuls maîtres d’œuvre, dirions-nous, du mouvement de jeudi. Seuls leurs slogans ont été repris. Personne ne peut contester l’expertise procédurale de l’Association pour signifier aux autorités le message de revendication.
Ce message fait, mouche. Le peuple connaît le juste poids de l’indépendance de la magistrature. C’est la pierre d’achoppement de tout le dispositif institutionnel, dans un Etat de droit. Point besoin de mobiliser, le peuple est attentif.