Que s’est-il passé exactement en Tunisie entre le 17 décembre et le 14 janvier ?
Toutes les réponses apportées aux événements qui se sont déroulées entre le 17 décembre 2010 et le 14 janvier 2011, restent peu convaincantes pour ceux qui ont travaillé dans les arcanes de l’Etat sous Ben Ali et avant lui Bourguiba ou encore par nombre de Tunisiens perspicaces et dont l’intelligence ne peut accepter les explications simplistes et peu profondes qu’on ne cesse de dispenser à longueur de mois…
En fait, une chose est sûre, Ben Ali a été lâché par sa machine, entendons-nous bien la machine RCD ne lui a jamais vraiment et réellement appartenu. Et pour preuve, lors du dernier conseil des ministres qu’il avait présidé, il criait devant Rafik Haj Kacem, Mohamed El Ghariani, Abdelaziz Ben Dhia : « Al Hizb est une coquille vide, je vais prendre les choses en main ». C’est lui qui a été pris de court…
En 2005, juste après le mariage de Sakhr El Matri à la fille de l’ancien président tunisien, un haut gradé qui lui était très proche avait confié à une personne de confiance : « Ce mariage annonce la fin de Ben Ali, ce garçon est limité mais c’est un grand opportuniste et il est obnubilé par le pouvoir »…Il n’avait pas tort, car Sakhr El Matri a été le premier clou que Ben Ali a enfoncé dans le cercueil de son pouvoir. Sakhr El Matri est rappelons le fils de Moncef El Matri, un ancien comploteur et qui ne s’en cache pas, il a donc été éduqué à bonne école…
Il n’a eu de cesse depuis son mariage, de planifier, soutenu par des très proches sis à Londres avec lesquels il a engagé de sérieuses négociations, et rassuré par ses relations profondes avec sa belle mère encore plus ambitieuse et plus vénale que lui, l’héritage du l’investiture inspirée par l’expérience syrienne. Lui aussi a commencé à baliser le terrain pour l’instauration d’un nouveau régime en Tunisie, il ambitionnait occuper la place en 2014 pour préparer ensuite le terrain à Leila qui se voyait déjà présidente de la Tunisie en 2019. Rappelez-vous l’information avait pas mal circulé depuis 2009 mais elle paraissait de par trop fantasque pour qu’on y croit.
C’est Sakhr El Matri qui a ramené Mohamed El Ghariani, Secrétaire général du RCD dissolu de Londres, il ne lui a pas fallu longtemps pour occuper un siège au comité central du parti. Un parti qui a perdu de son superbe et de sa capacité à convaincre et dans lequel, il y avait plus d’opportunistes que de convaincus. Derrière l’image du parti fort et solidaire, il n y avait rien. Du vent et l’ombre de Leila Ben Ali qui dominait toute la scène politique du pays et surtout depuis qu’elle a donné un fils au Président sexagénaire.
En 2010, Sakhr El Matri a œuvré ardemment à introduire Mohamed El Ghariani dans le giron américain. Il a organisé chez lui un dîner en l’honneur de Gordon Gray, ambassadeur américain en poste à l’époque et qu’il a consacré à faire l’éloge du Secrétaire général du RCD en le présentant comme un vis-à-vis sérieux en cas de pépin.
Sous le règne de Hariana, les désignations et nominations ont pris le pas sur les élections au sein même du parti. Aux municipales, Imed Trabelsi est imposé à la Goulette, Sakhr El Matri est pour sa part désigné député et comme cité plus haut membre du comité central. N’oublions pas aussi la présence pesante de Saida Aghrebi haie de tous et de toutes.
En 2010, une partie de la classe politique au pouvoir avait commencé à se poser des questions sur l’avenir du pays face à la main mise de la famille de la Présidente et son hégémonie et à l’absence de Ben Ali, qui s’occupait plus de son fils que des affaires du pays : « Au Conseil des ministres, nous n’osions même pas soumettre les dossiers importants à la discussion de peur qu’il nous congédie car il voulait que ce soit aussi expéditif que possible », témoigne un ministre.
Lors de l’université d’été à Tabarka en 2010, un groupe de ministres s’étaient entendus pour s’adresser directement au Président et exiger des réformes comprenant un plan de sauvetage pour le pays. Conscients du mal sociétal qui se répandait rapidement, de la colère des Tunisiens face au népotisme, aux malversations, aux passes droit et à l’absence de l’Etat, ces ministres sentaient qu’ils ne servaient plus leur pays mais la famille. Ils voulaient engager le pays dans un processus démocratique à doses thérapeutiques. Le Secrétaire général du RCD était mis au parfum et les avait rassurés quant à soutien. La machine serait là pour les soutenir en cas de besoin semblait-il dire. Il désignait ainsi la coquille vide…La machine devait « soutenir » tout autant Sakhr El Matri, les Trabelsi et d’autres contestataires venus d’autres horizons.
Certains bruits qui courent prétendent même que Seriati a été manipulé par le Secrétaire général du RCD. L’ancien directeur général de la Sécurité du Président révolté se plaignait très souvent de l’isolement dans lequel a été mis Ben Ali et pas ses proches conseillers, Ben Dhia, Abdallah et Ouedherni et surtout sa femme. « A chaque fois que je convainquais le président de faire des visites impromptues, je recevais le soir un appel de la part de sa femme me disant « Akhta Errajel », (Laissez mon homme tranquille !).
Il faut reconnaitre que Ghariani était également proche de Belhassan Trabelsi, il aurait même partagé un dîner chez lui accompagné de hauts dignitaires militaires. L’information était sortie à l’époque et bien sûr rapidement démentie. En fait tout l’entourage de l’ancien président était animé par un seul objectif : comment hériter du pouvoir et quelles sont les alliances les plus valables pour réussir à l’arracher.
Le moins scrupuleux, le plus opportuniste, le plus corrompu, vénal et ambitieux est certainement Sakhr El Matri. Associé à Leila, il voulait devenir le maitre de la Tunisie. Lui aussi a été instrumentalisé et comme le dit le dicton bien connu : «A malin malin et demi ».