é à Hanoi (Photo : Hoang Dinh Nam) |
[18/01/2013 08:30:36] HANOI (AFP) Le régime vietnamien bloque des sites internet, enferme des blogueurs et parfois harcèle leurs familles, mais il n’a jamais réussi à contrôler la Toile. Il a donc engagé une armée de cyber-partisans chargés de désamorcer les critiques.
“Si j’écris quoi que ce soit qui attire l’attention, ils vont se précipiter pour +guider le public+”, explique à l’AFP une blogueuse pro-démocratie de Hanoï sous couvert de l’anonymat.
“Leurs arguments favoris sont de dire: +fermez-là et faites confiance au gouvernement+. Ils ne se lancent pas dans des débats rationnels. Ils en restent aux attaques personnelles et répandent des sophismes pernicieux”.
Le chef de la propagande de la capitale, Ho Quang Loi, a déclaré la semaine dernière que Hanoï disposait d’une équipe de 900 “polémistes sur internet” ou “façonneurs d’opinion publique”. De bons soldats, chargés de répandre la ligne du parti communiste au pouvoir.
Ces déclarations constituent le premier aveu officiel que le régime se prête à ces méthodes venues de Chine. L’équipe a ouvert 18 sites et 400 comptes en ligne pour contrôler les contenus et surveiller les sujets qui fâchent, des droits de l’Homme aux conflits territoriaux avec Pékin, a précisé Loi.
“N’écoutez pas les propos anti-patriotiques des réactionnaires de l’étranger. Ils ont été engagés par l’ancien régime pour répandre la propagande et semer le désordre social”, a écrit l’un d’entre eux.
é à Hanoi (Photo : Hoang Dinh Nam) |
“Si les générations précédentes avaient perdu confiance dans le gouvernement, comme vous aujourd’hui, seriez-vous assis en train de surfer sur Facebook?”, s’est interrogé un autre, s’emportant contre une génération “ingrate”.
“Aurions-nous vaincu à Dien Bien Phu?”, a-t-il poursuivi, en référence à la plus grande victoire de l’armée vietnamienne face au colonisateur français en 1954.
Le patron de la propagande n’a pas évoqué les effectifs de cyber-armée du pays tout entier, ni si les soldats étaient payés. Mais un message le 26 décembre sur le site des autorités de Ho Chi Minh-Ville (ex-Saïgon) a mentionné le paiement de subsides pour des “pigistes de l’opinion sociale”.
“Il est terriblement ironique que des gouvernements réprimant les droits tels que le Vietnam forment des groupes de cyber-soldats pour faire passer les messages du gouvernement”, a commenté Phil Robertson, de l’organisation Human Rights Watch.
Le régime communiste, classé parmi les “ennemis d’internet” par Reporters sans frontières, a emprisonné de nombreux blogueurs ces dernières années au fur et à mesure qu’ils s’engouffraient dans un espace de liberté sans précédent aux côtés d’une presse officielle muselée.
Derniers en date, trois blogueurs condamnés à des peines de trois à douze ans de prison ont vu leur appel rejeté le 27 décembre. L’un d’entre eux avait été nommément soutenu par le président américain Barack Obama.
L’an passé, le Premier ministre Nguyen Tan Dung avait ordonné aux fonctionnaires de ne pas consulter trois sites dissidents qui se déchaînaient contre lui. Mais il est trop tard, estiment les analystes.
“Ils ont laissé le génie sortir de la bouteille. Ils veulent promouvoir l’interconnectivité (mais) essaient de réprimer ce qui ne peut pas l’être”, constate Carl Thayer, un expert du Vietnam basé en Australie.
Les blogueurs, eux, ricanent. “Ils pensent peut-être qu’ils réussissent à orienter l’opinion mais ils se trompent lourdement. Les gens ne sont pas stupides”, a expliqué à l’AFP l’une d’entre eux.
Le mécontentement à l’égard du régime croît d’autant plus que la crise économique sévit. “Ils ne veulent pas avoir de problèmes en exprimant leurs opinions publiquement maintenant. Mais au fond de leur coeur, ils ne sont pas heureux”.