à In Amenas, en Algérie |
[18/01/2013 11:58:54] PARIS (AFP) La prise d’otages sanglante sur l’important site gazier de Tiguentourine suscite des inquiétudes sur la sécurité de toute l’industrie pétrolière et gazière algérienne, cruciale dans un pays qui tire près de la moitié de sa richesse nationale de ses hydrocarbures.
L’impact économique potentiel de ce type d’attaque est considérable: le seul site attaqué représente 12% de la production gazière et 18% des exportations algériennes. Soit, aux cours actuels, des revenus annuels de 3,9 milliards de dollars, selon l’analyste Thierry Bros de la Société Générale.
Et pétrole et gaz constituent 98% des exportations algériennes, 40 à 45% du Produit intérieur brut (PIB) et plus des deux tiers de ses recettes budgétaires, selon le Fonds monétaire international.
Les analystes pétroliers se montrent encore prudents sur le fait de savoir si l’attaque d’In Amenas restera un acte isolé ou s’il annonce une vague d’opérations similaires contre les infrastructures algériennes, et aussi libyennes. Mais l’inquiétude domine.
“L’intervention militaire au Mali risque de déplacer plus de djihadistes, dont beaucoup vont probablement chercher refuge au Maghreb, particulièrement dans le sud de la Libye”, note Richard Cochrane, analyste chez IHS spécialisé sur le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord.
“Cette migration va augmenter le risque d’attaque, particulièrement contre les actifs et les employés occidentaux à travers la région”, s’inquiète-t-il.
Selon l’Agence Internationale de l’Energie (AIE), la prise d’otages “fait peser un nuage noir sur les perspectives du secteur de l’énergie du pays”.
ée fournie le 17 janvier 2013 par Statoil montrant le site gazier de Tiguentourine, à In Amenas, en Algérie (Photo : Kjetil Alsvik) |
Les analystes de Barclays Helima Croft et Christopher Louney notent pour leur part que les installations pétrolières algériennes étaient jusqu’à présent “considérées comme relativement bien protégées”.
“Même au plus fort de la guerre civile (décembre 1991-février 2002), qui a fait de 100.000 à 200.000 morts, les exportations n’ont pas été significativement perturbées, et la production de pétrole est restée stable”, font-il valoir.
Mais l’attaque près d’In Amenas pourrait être un “point de bascule”, selon Barclays. “Les compagnies pétrolières internationales donnent une grande importance à la protection de leurs employés et ils ont montré une volonté de fermer leurs opérations si leur sécurité étaient considérée comme menacée”.
Plusieurs compagnies pétrolières occidentales – la major britannique BP, la norvégienne Statoil (toutes deux touchées par la prise d’otages) et l’espagnole Cepsa – ont commencé jeudi à évacuer des employés d’Algérie. BP a ainsi confirmé vendredi que trois vols avaient quitté l’Algérie la veille avec onze de ses employés ainsi que “plusieurs centaines” de salariés d’autres entreprises et qu’un quatrième vol était prévu vendredi.
Côté français, GDF Suez et Total, présents dans le pays, ne font pas de commentaires. D’autres grandes entreprises sont présentes en Algérie: l’anglo-néerlandais Shell, l’italien Eni, l’espagnol Repsol, le russe Gazprom ou encore les américains Conoco Phillips et Anadarko.
La question se pose aussi pour les analystes de savoir si l’isolement qui caractérise les sites pétroliers et gaziers du Sud algérien va favoriser les raids islamistes ou au contraire permettre qu’ils soient défendus plus facilement.
Mais selon un entrepreneur français présent dans la région, ayant requis l’anonymat, la situation sécuritaire dans la région s’est déjà nettement dégradée.
“Les exactions sont quasi quotidiennes, mais l’on n’en parle pas. Les islamistes circulent la nuit, tous feux éteints dans cette zone extrêmement difficile où les dunes se déplacent au gré des vents”.
Sur les marchés, l’impact d’In Amenas reste pour l’instant limité.
“L’Algérie est un exportateur qui compte, en particulier pour l’Espagne et pour l’Italie, mais si on assiste à une réduction des exportations algériennes, on verra ces pays acheter davantage de gaz naturel liquéfié et davantage de gaz russe”, a expliqué jeudi à l’AFP Trevor Sikorski, analyste de Barclays Capital.
Dans ces conditions, “il n’y a pas pour le moment un impact massif sur les prix du gaz, même si le marché surveille attentivement la situation”.
L’Algérie est le troisième fournisseur de l’Europe et huitième producteur mondial pour le gaz, et dans le top 20 mondial des pays producteurs de pétrole.