[19/01/2013 20:05:54] BUDAPEST (AFP) Le remplacement prochain du président de la Banque centrale hongroise (MNB) rend de plus en plus nerveux les marchés, qui redoutent une emprise totale du Premier ministre conservateur, Viktor Orban, sur l’institution monétaire et un nouveau conflit potentiel avec l’Union européenne (UE) et le Fonds monétaire international (FMI).
Signe de l’inquiétude grandissante, la devise hongroise, le forint, avait perdu 2% de sa valeur, tombant le 14 janvier à un plus bas depuis sept mois à 298,50 forints pour un euro, avant de se reprendre quelque peu jeudi à 292,23 forints.
La devise avait entamé sa glissade après que Gyorgy Matolcsy, ministre de l’Economie, eut déclaré envisager une “étroite coopération” entre la MNB et le gouvernement. Or, Gyorgy Matolcsy, 57 ans, considéré comme un fidèle lieutenant de Viktor Orban, est donné favori dans la course au remplacement le 3 mars à la tête de la MNB d’Andras Simor, dont le mandat ne peut pas être prolongé.
Ce serait “le plus mauvais choix possible”, juge Capital Economics dans une note d’analyse, car il serait interprété comme une volonté du pouvoir de prendre complètement en mains les rênes de l’institution.
Avec sa réforme de fin 2011, le gouvernement a déjà tenté d’empiéter sur les prérogatives de la MNB, mais l’UE, la Banque centrale européenne (BCE) et le FMI — avec qui Budapest souhaitait initialement négocier un prêt de 15 milliards d’euros avant de se borner maintenant à demander “un filet de sécurité” — l’avaient contraint à faire marche arrière.
Si le ministre est nommé, le gouvernement hongrois “risque d’être puni par les marchés mais aussi d’ouvrir un nouveau front entre Budapest et l’UE”, prévient Peter Felcsuti, ancien président de l’Association des banques hongroises, sur son blog.
Non seulement le ministre de l’Economie a été l’un des critiques les plus véhéments d’Andras Simor, très respecté des marchés pour avoir toujours résisté aux pressions du pouvoir, mais il est aussi l’artisan de la politique économique “non-orthodoxe” de Budapest, faite quasi exclusivement de mesures ponctuelles pour réduire l’endettement et très critiquée par les institutions monétaires internationales, telles la BCE et le FMI, ainsi que par les agences de notation
Ainsi, les agences de notation avaient rétrogradé la note souveraine du pays au rang spéculatif, jugeant cette politique condamnée à long terme. D’ailleurs, Gyorgy Matolcsy avait été désigné en 2012 comme le plus mauvais ministre de l’Economie de l’UE par le quotidien britannique Financial Times.
Le gouvernement dispose déjà d’une influence considérable sur la MNB, car quatre des sept membres de son Conseil monétaire ont été nommés par ses soins. Depuis qu’ils sont en majorité, la MNB a d’ailleurs entamé un cycle de baisse de son taux d’intérêt directeur, censé donner un coup de pouce à une économie en récession.
Même si le ministre n’est pas nommé, “il y a de plus en plus de spéculations selon lesquelles Viktor Orban va choisir un allié dévoué comme gouverneur”, qui “mettra de côté le mandat de maintien de la stabilité des prix de la Banque centrale au profit d’une politique de soutien” à la politique économique du gouvernement, estime Capital Economics.
Dans une étude, OTP, la plus grande banque du pays, dit craindre en particulier un recours massif à la planche à billets, susceptible de provoquer une surchauffe de l’inflation, déjà la plus élevée dans l’UE avec un taux de 5,7% en 2012.
Autre crainte des experts financiers: que le gouvernement puise dans les réserves en devises étrangères de la MNB (35 milliards d’euros). “Utiliser ces réserves pour refinancer les banques commerciales ou pour des raisons budgétaires serait non seulement illégal, mais aussi une erreur fatale”, souligne Peter Felcsuti, car cela entraînerait une fuite des capitaux et, dans le pire des cas, pourrait conduire à la faillite du pays.