Quand une enquête décide de faire de la destination Tunisie un temple du salafisme, rien ne peut l’en empêcher. Passé à une heure de grande écoute, le spectacle est alors garanti par un brouillage des dates et une amplification des événements cités dans l’enquête. La censure des témoignages, qui tout en les reconnaissant peuvent leur donner leur vraie dimension, est aussi de rigueur. Pareilles émissions sont grossies par le mutisme d’un gouvernement déboussolé, d’une communication inexistante et d’une destination touristique en grande souffrance.
« L’émission fait froid dans le dos », « elle va faire fuir les touristes… », » Ils exagèrent,… », « Non c’est la stricte vérité que vous ne voulez pas voir. Les salafistes sont partout !», « Ca va tuer la saison. Le début des ventes commence maintenant »…Voici quelques commentaires qu’a suscités l’« Envoyé Spécial » consacré à la Tunisie la semaine dernière. Il a fait râler, jaser, pleurer, gerber…Plus de 1000 commentaires ont été postés sur la page Facebook de France 2.
Plusieurs intervenants, notamment à sa production, ont intervenus via les réseaux sociaux pour crier la manipulation.
Anis Meghirbi, directeur commercial dans un hôtel fait partie des professionnels qui ont témoigné dans l’enquête. Il accuse : « Mes dires ont été volontairement tronqués afin de donner une image alarmiste …Des dires qui ont bien évidemment été conservés mais réorientés au profit d’une ligne éditoriale souhaitant plus tirer vers le bas que vers le haut l’image de notre Tunisie…Concernant le Salafisme en Tunisie, j’ai dès le départ précisé que le Salafisme en Tunisie était avant tout une question tuniso-tunisienne…Je me suis même permis de lui rappeler que les 200 Salafistes qui ont effectué dernièrement une prière sur la place de la Concorde à Paris n’empêchent pas les touristes d’aller flâner sur les Champs-Elysées ! J’ai ensuite rappelé à ces mêmes journalistes que durant les 2 ans post-révolution, nous avons accueilli un peu plus de 5 millions de touristes Européens et qu’aucun n’a été touché, inquiété ou agressé. … »
Au final et toujours selon Anis Meghiribi le résultat ne s’est pas fait attendre « puisqu’au lendemain de la diffusion de ce reportage nous recevions appels et courriels de clients inquiets quant à leurs prochains séjours. Il me semble nécessaire de remettre les choses à leur place. La Tunisie n’est pas un nouvel Afghanistan ! Que les médias cessent de prendre pour cible notre jeune démocratie qui, comme toute démocratie, se construit au quotidien avec son lot de contradictions et de débats. N’est-ce d’ailleurs pas en confrontant ses idées que l’on se construit ? La Tunisie reste un pays d’accueil touristique, un pays qui se fait un devoir de tout mettre en œuvre pour le bien-être de ses hôtes. Depuis 2 ans, la Tunisie a retrouvé sa liberté et œuvre depuis et au quotidien à sa reconstruction… «.
Mais qu’a-t-on vu au juste dans ce « Envoyé spécial » ? Un pays aux abois et presque livré aux salafites. Que se passe t-il vraiment sur le terrain ? Un pays qui résiste, vit, se découvre, se construit et se bat.
Sans vouloir revenir en détails sur le contenu de cette enquête et au delà du fait que les images mentent, elles sont très fragiles et dépendent de leur contextes, que la haine de l’autre en le diabolisant est un moyen de mobiliser en temps de guerre ou de paix et qu’une histoire est toujours une narration, pourquoi montrer telle situation à un endroit donné et pas telle autre ? Même si l’objectivité n’existe pas, « seule la pluralité de points de vue permet d’avoir des éléments d’appréciation d’une situation. Le danger réside alors moins dans la propagande ou dans les vecteurs d’opinion –dont on peut décrypter facilement le choix des faits et leur interprétation–, mais dans des vecteurs qui se veulent d’information et qui véhiculent plus ou moins subrepticement des opinions ».
Faut-il alors s’en prendre uniquement aux autres ? A tous ceux qui posent précisément ce regard? Certainement pas!
Qu’avons-nous fait pour répondre, réagir, rectifier, corriger, atténuer, construire l’image d’un pays qui vit et dont le cœur palpite ? Que fait-on aujourd’hui pour l’image du pays et sa reconstruction? Quelle communication applique-t-on ? Que font l’administration du tourisme, les politiques et les professionnels qui regardent se fracasser et se faire fracasser leur destination?
Il aurait suffi d’un peu d’audace. Il aurait suffi de remplacer la haine par la fête, Il aurait fallu, par exemple, organiser des méga fête sur l’avenue Habib Bourguiba, à Hammamet, à Sousse…Il aurait fallu insuffler la vie et soutenir les initiatives qui prônent la prônent avec joie et espoir…Remplir le vide et reconstruire.
Au lieu de quoi, les gouvernants actuels se ferment et laissent s’enliser la situation faisant le lit des plus bruyants, visibles et haineux. Le ministère du tourisme devient alors une citadelle muette autant qu’incapable. Les professionnels du tourisme sont accablés par leur incapacité à agir et même réagir. Le tourisme n’a servi que de faire valoir depuis plus d’un an. On s’en souvient, juste pour dire que tout va pour le mieux alors qu’en fait on lui plante couteau sur couteau dans le dos !
Et le comble, c’est que ce sont des associations proches des mouvements religieux extrémistes qui agissent et réagissent, notamment aux propos d’“Envoyé Spécial“ qu’ils jugent erronées sur la ville de Hammamet (voir vidéo): https://www.facebook.com/photo.php?v=4300092500133 La ville touristique phare du tourisme tunisien y est particulièrement mise à mal par l’enquête en question. On y voit notamment un jeune extrémiste religieux, geste à l’appui, déclarer : « Nous sommes tous Ben Laden !»
Non, Hammamet et encore moins la Tunisie n’est pas peuplé d’Oussama Ben Laden ! Mais une fois encore qui réagit ? Qui propose l’organisation un méga événement avec un cordon humain et solidaire pour dénoncer pacifiquement les propos de haine et de violence dit sur la même placette ? Où sont les associations ? Où est le syndicat d’initiative du tourisme ? Où ont les partis politiques qui savent que le tourisme est vital pour le pays ?
Tant que tout ce beau monde et ensemble n’investira pas le terrain, les rues, les villages, les zones touristiques ou pas, la Tunisie restera prise en otage par une minorité bruyante et violente.
On a beau dire qu’il fallait être sourd pour ne pas entendre les salafistes ou islamistes radicaux ou les deux, et aveugle pour ne pas les voir, ils avaient promis de rajouter aux premiers « takbbir » et « takffir « une collection belliqueuse pour l’avenir. Ils ont tenus parole !
Si la confrontation semble de plus en plus inévitable entre certaines parties des populations, elle n’est pas non plus pour demain. Celle-ci ne peut plus qu’être un prélude à une guerre civile ou à une intervention de l’armée. Dans les deux cas, la transition démocratique tunisienne passe par de grandes turbulences car les salafites qui « ne viennent pas de Mars », tentent de conduire la Tunisie tout droit en enfer.
Aujourd’hui, des bastions de résistance se multiplient alors qu’en soufflant un vent de terreur sur les tunisiens, les extrémistes pensaient les tétaniser mais ces derniers protègent leurs acquis et différentes façon de vivre. Ils fêtent le nouvel an et se précipitent à manger leur « Assida » malgré les « fatwas » saugrenues de cheikhs respirant la haine. Ils s’organisent autour de partis politiques ou d’associations caritatives pour s’entraider. Ils continuent de vivre …