à Pékin (Photo : Ed Jones) |
[25/01/2013 14:05:43] PEKIN (AFP) L’artiste militant chinois Ai Weiwei a publié sur internet une enquête vidéo fouillée sur la mort très controversée d’un chef de village qui avait eu maille à partir avec les autorités, un possible meurtre qui a enflammé la Chine.
“Réaliser ce film m’a pris deux ans. J’ai conduit moi-même toutes les interviews et mon équipe vidéo s’est rendue au village”, a déclaré vendredi à l’AFP l’artiste dissident, qui a déjà par le passé réalisé des enquêtes sensibles en parallèle à son travail créatif.
Le documentaire, d’une durée d’une heure et 42 minutes et sous-titré en anglais, est visible sur Youtube (censuré en Chine).
Qian Yunhui, chef respecté du comité de village de Zhaiqiao (Chine orientale), avait été écrasé par un camion le jour de Noël 2010. Les photos de son corps disloqué, coincé sous la roue avant gauche du poids-lourd, avaient fait le tour des sites web chinois.
La thèse officielle de l’accident avait immédiatement été rejetée par ses proches, convaincus que le responsable local avait été assassiné en raison de son combat contre les expropriations forcées dans le voisinage.
La société chinoise s’était passionnée pour l’affaire, contenant tous les ingrédients de la polémique: des paysans spoliés de leurs terres, des policiers accusés de manipulations, des internautes mobilisés en contre-pouvoir et des médias officiels maniant la censure.
La dimension dramatique de l’histoire avait été amplifiée par un gadget digne de services secrets, en l’occurence une montre-caméra-vidéo que la victime portait au poignet et qui a enregistré ses derniers instants de vie.
M. Qian était connu pour être un “pétitionnaire”, ainsi que sont désignés en Chine les citoyens qui refusent les abus de pouvoir et prennent le risque de faire remonter leurs doléances jusqu’aux autorités centrales.
Il avait été placé en détention trois fois depuis 2005 pour avoir exigé au nom des paysans locaux des compensations pour des expropriations foncières avant la construction d’une centrale électrique. Il se savait menacé, au point de ne pas avoir dormi chez lui les deux dernières nuits avant son décès.
Sans conclure, l’enquête d’Ai Weiwei recense toutes les lacunes, zones d’ombre, intimidations, disparitions de témoins et rétentions de preuves entourant le décès de Qian Yunhui.
“Il est impossible de prendre position, car en Chine la vérité n’existe pas”, a confié Ai Weiwei. “On ignore comment il est mort”.