Les déboires de Caterpillar en Chine, avertissement pour les investisseurs

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à Pékin, le 27 août 2009 (Photo : Liu Jin)

[27/01/2013 13:12:35] SHANGHAI (AFP) La mésaventure du géant américain Caterpillar, qui a perdu des centaines de millions de dollars à cause des comptes falsifiés d’une entreprise qu’il a rachetée en Chine, est une mise en garde pour les entreprises étrangères désireuses de s’implanter sur cet alléchant marché.

Le premier constructeur mondial d’engins de chantier a annoncé le 18 janvier une charge exceptionnelle d’environ 580 millions de dollars (430 millions d’euros) pour couvrir la perte de valeur de Siwei Mechanical and Electrical Manufacturing Co., une entreprise pour laquelle il a déboursé en juin dernier au moins 650 millions de dollars (480 millions d’euros).

Caterpillar, l’un des premiers acteurs du secteur présents sur le marché chinois, a commencé à vendre ses produits en Chine il y a près de 40 ans, avant d’ouvrir un bureau à Pékin en 1978.

Le groupe américain a limogé plusieurs hauts dirigeants de Siwei après avoir découvert en novembre qu’ils avaient gonflé les bénéfices, ainsi que d’autres irrégularités.

Cette affaire “apprendra aux entreprises qu’elles doivent vraiment être sur leurs gardes, lorsque même un groupe aussi important que Caterpillar se retrouve dans une situation comme celle-là”, a déclaré à l’AFP Ben Cavender, associé du cabinet de consultants CMR à Shanghai.

“Pour toute acquisition, il faut voir de près les comptes et les résultats financiers. Dans ce cas, on dirait qu’ils ont omis de noter certaines choses qu’ils auraient dû relever”, selon lui.

Un porte-parole de Caterpillar basé à Pékin s’est refusé à tout commentaire vendredi.

Ce n’est pas la première fois que des investisseurs font les frais de comptes truqués d’entreprises chinoises.

Les actionnaires de Sino-Forest Corp. ont par exemple perdu des centaines de millions de dollars suite à la publication de faux comptes de résultats de cette société cotée à Toronto et à l’exagération de la taille de ses plantations en Chine.

Depuis 2008, la Chine est la deuxième destination pour les investissements étrangers dans le monde derrière les Etats-Unis, selon l’OCDE.

L’an dernier, les investisseurs étrangers ont injecté près de 112 milliards de dollars dans le pays, en léger recul par rapport au montant record de 116 mds de dollars en 2011.

Pour Steve Vickers, fondateur du cabinet de conseil en gestion du risque du même nom basé à Hong Kong, beaucoup de sociétés “dépensent beaucoup pour des avocats et des experts comptables, mais ne passent pas beaucoup de temps à observer la réalité sur le terrain”.

M. Vickers juge que les bénéfices en hausse de Siwei, tout comme le fait que cette entreprise avait fusionné avec une autre société cotée dans le but d’en prendre le contrôle avant sa propre introduction en Bourse, auraient dû éveiller des soupçons.

Entrer en cotation de cette manière est en effet soumis à des exigences comptables moins strictes que les introductions de sociétés jusque là non cotées (IPO).

La technique, appelée “reverse takeover” en anglais, n’est pas en odeur de sainteté, notamment depuis qu’elle a été employée par des entreprises chinoises ayant des problèmes comptables pour entrer en Bourse aux Etats-Unis.

Siwei s’était ainsi introduit sur la place de Hong Kong en rachetant ERA. Caterpillar a ensuite annoncé en novembre 2011 le rachat d’ERA, et par là de Siwei, dans le but d’augmenter son investissement en Chine et d’y trouver de nouveaux clients.

Caterpillar a découvert les problèmes avec sa filiale chinoise cinq mois après la transaction, et était persuadé que l’examen de cette fusion et acquisition avait donné lieu à un processus “rigoureux et solide”, selon un communiqué.

Le constructeur d’engins américain explique aujourd’hui qu’il enquête sur les irrégularités et se réserve le droit d’une action en justice pour recouvrer ses pertes, ajoutant ne pas être au courant d’une éventuelle procédure judiciaire engagée par les gouvernements chinois ou américain.

Selon le Wall Street Journal, deux investisseurs étrangers contrôlaient près de la moitié des actions d’ERA juste avant le rachat par Caterpillar: l’ancien président de la Chambre de commerce américaine en Chine, Emory Williams, et James Thompson III, fils du fondateur du déménageur international Crown Worldwide Group.