Les banques pas opposées à la réforme mais inquiètes d’un durcissement

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é, directeur général de BNP (g), Frédéric Oudéa, PDG de Société Générale (c) et Jean-Paul Chifflet, directeur général de Crédit Agricole, le 30 janvier 2013 à Paris (Photo : Bertrand Guay)

[30/01/2013 18:51:58] PARIS (AFP) Les dirigeants de trois des plus grandes banques françaises ont reconnu mercredi l’utilité du projet de réforme bancaire du gouvernement, mais ont mis en garde contre son éventuel durcissement par le Parlement après avoir échoué à obtenir son report.

Le texte doit être examiné en première lecture par l’Assemblée nationale à partir du 12 février. Il est censé concrétiser une promesse de campagne de François Hollande visant à mieux encadrer le secteur.

Il impose notamment aux banques de loger leurs activités spéculatives dans une filiale ad hoc et interdit les activités les plus spéculatives, comme le trading haute fréquence.

“Cette loi cristallise un changement de modèle et c’est très bien”, a reconnu Frédéric Oudéa, PDG de Société Générale, devant la commission des Finances de l’Assemblée nationale.

Mais, à l’instar de Jean-Laurent Bonnafé, directeur général de BNP Paribas, et Jean-Paul Chifflet, directeur général de Crédit Agricole SA et président de la Fédération bancaire française (FBF), il s’est prononcé pour un report de son application, pour l’heure programmée pour l’an prochain.

“Nous souhaitons, nous, que ce soit plutôt 2017. Pourquoi poussons-nous cela plus loin ? Parce que ce sont des bouleversements très forts pour nos banques”, a déclaré M. Chifflet.

Un souhait auquel le ministre de l’Economie, Pierre Moscovici, a opposé une fin de non-recevoir un peu plus tard devant la même commission.

Les trois dirigeants ont insisté mercredi sur les risques qui pouvaient exister pour leurs établissements, en matière de compétitivité, avec des règles plus contraignantes que celles en vigueur pour leurs rivales étrangères.

“Nous sommes dans un monde ouvert. Moi je demande que les contraintes imposées aux banques françaises par la loi nouvelle (…), dont je pense qu’elle est nécessaire, s’inscrivent dans un cadre européen”, a souligné M. Bonnafé.

“Pas gravé dans le marbre”

La Commission européenne planche actuellement sur les recommandations du groupe de travail présidé par le gouverneur de la Banque de Finlande Erkki Liikanen, qui lui a remis à l’automne son rapport sur le sujet. Le document préconise notamment d’isoler les activités les plus risquées dans des entités juridiquement séparées, mais n’avance aucun calendrier de transposition.

Pour la FBF, le projet de loi gouvernemental “réduira (…) le profil de risque des banques, qui ont d’ores et déjà fermé ou réduit notamment les activités pour compte propre par rapport à 2006 à la suite de la crise ou des nouvelles exigences en fonds propres”.

“Aller au delà menacerait le financement de l’économie française”, a en revanche estimé la fédération dans un communiqué, alors que le ministre s’est lui montré ouvert à des ajustements du projet par les parlementaires: “Ce texte n’est pas gravé dans le marbre. Il peut évoluer, bouger”, a-t-il assuré.

Une source gouvernementale a affirmé que la question des paradis fiscaux serait notamment abordée dans le cadre du débat parlementaire.

Lui aussi auditionné mercredi, Christian Noyer, gouverneur de la Banque de France et président de l’Autorité de contrôle prudentiel (ACP), régulateur des banques, a indiqué que le cantonnement prévu par le texte actuel concernait une part limitée de l’activité des banques.

“En moyenne, les actifs qui seraient cantonnés si le projet de loi était voté seraient aujourd’hui de 3%” du produit net bancaire (PNB, équivalent du chiffre d’affaires) des banques de financement et d’investissement. “Cela pourrait aller jusqu’à 10% pour les banques les plus exposées”, a-t-il détaillé.

M. Noyer a également fait valoir l’intérêt du projet de loi en matière de résolution des crises.

En cas de défaillance d’un établissement, l’ACP, qui doit devenir l’ACPR (Autorité de contrôle prudentiel et de résolution), pourra notamment changer ses dirigeants, lui imposer de céder ses actifs, scinder ses activités voire mettre à contribution les actionnaires et certains créanciers.

“Sur ce point, je suis personnellement très favorable à ce que la France anticipe sur les évolutions européennes”, a expliqué M. Noyer.

“L’absence de règles législatives, telles qu’elles sont proposées dans ce projet de loi, nous a beaucoup gênée, en particulier sur un cas que nous avons eu à traiter dans les derniers mois”, a ajouté M. Noyer, semblant faire allusion au Crédit immobilier de France, au secours duquel l’Etat avait dû se porter durant l’été 2012 pour lui éviter la faillite.