çois Hollande devant le Parlement européen à Strasbourg, le 5 février 2013 (Photo : Bertrand Langlois) |
[06/02/2013 14:14:09] FRANCFORT (AFP) Le président français a interpellé mardi la Banque centrale européenne (BCE) sur le niveau atteint par l’euro, une inquiétude jugée quelque peu prématurée par des analystes qui ne voient pas l’institution monétaire intervenir dans l’immédiat.
Face à l’appréciation de la monnaie unique, François Hollande a estimé qu’on ne pouvait pas la laisser “fluctuer selon les humeurs du marché” car cela met en péril les efforts de compétitivité des pays qui en font usage, et réclamé “une politique de change”, lors d’un discours devant le Parlement européen à Strasbourg.
“Il ne s’agit pas d’assigner de l’extérieur un objectif à la BCE qui est indépendante mais d’engager l’indispensable réforme du système monétaire international, car sinon nous demandons à des pays de faire des efforts de compétitivité qui sont annihilés par la valorisation de l’euro”, a-t-il ajouté.
La BCE s’est refusée mardi à commenter cet émoi quelque peu esseulé pour le moment, aucun autre responsable européen n’ayant encore abondé publiquement dans ce sens.
Et de l’avis des analystes de UniCredit, son président Mario Draghi devrait se contenter de rappeler jeudi, à l’issue de sa réunion mensuelle de politique monétaire, qu’elle n’a, de par son mandat, pas d’objectif de taux de change et ne consent à intervenir que si son objectif d’inflation à moyen terme -soit maintenir la hausse des prix proche mais sous 2%- est menacé.
“Dans le passé, la BCE est rarement intervenue de façon ciblée pour des questions de taux de change. Il faudrait une appréciation beaucoup plus forte de l’euro pour qu’elle change de cap”, estime Marie Diron, économiste au cabinet de conseil Ernst and Young.
“Elle hésiterait beaucoup pour ne pas déclencher de +guerre des monnaies+. Tant que l’appréciation ne nuit pas à la croissance” elle n’a pas intérêt à le faire, ajoute-t-elle.
L’euro a atteint plus de 1,37 dollar vendredi soit une progression de plus de 11% en six mois, tandis que la parité euro/yen est “en hausse fulgurante de 10%” depuis un mois, a calculé Fabrice Cousté, directeur général de CMC Markets France.
“S’il stimule les cambistes, le succès de l’euro pourrait néanmoins jouer des tours aux entreprises européennes”, estime-t-il.
Pour un responsable européen toutefois, “à ce stade, je ne crois pas que cela soit un problème”. D’autant que l’euro s’est stabilisé mardi, après un recul la veille.
Le commissaire européen chargé des services financiers, Michel Barnier, a rappelé pour sa part que “l’euro a été à 1,60 dollar, parfois en dessous de 1, c’est une monnaie jeune. Il faut juger la valeur sur une distance, je ne peux pas faire de commentaires là-dessus et fais confiance à la BCE qui est indépendante et qui doit le rester”.
En visite à Paris, le ministre allemand de l’Economie Philipp Rösler a lui jugé préférable de renforcer la compétitivité de l’Europe plutôt que de chercher à en affaiblir la monnaie.
Le chef d’Etat français abordera sans doute la question avec la chancelière allemande Angela Merkel qu’il rencontre mercredi, à la veille d’un sommet européen.
Paradoxalement, l’appréciation de l’euro est aussi le miroir d’une zone euro qui se porte mieux et a retrouvé la confiance des investisseurs après plusieurs années de crise aiguë.
Une amélioration qui doit beaucoup à l’intervention de la BCE qui a baissé son taux d’intérêt directeur à son plus bas niveau historique (0,75%). Elle a en outre injecté des milliards d’euros de liquidités au travers entre autres de prêts très avantageux sur trois ans aux banques (LTRO) et a promis d’intervenir sur le marché de la dette publique si nécessaire.
Le mouvement s’est toutefois accéléré sous l’effet des politiques monétaires des banques centrales américaine et japonaise, qui font jouer “la planche à billets”, et qui “en affaiblissant délibérément leur monnaie pour rendre leurs économies respectives plus compétitives, soutiennent un peu plus l’appréciation de l’euro”, souligne Fabrice Cousté.
Face à ces politiques “plus agressives”, la BCE a elle commencé à se faire rembourser ses LTRO, ce qui signifie moins de liquidités en circulation.
Mais s’il le faut, la BCE a les moyens d’intervenir, selon un responsable européen qui n’exclut pas une déclaration de M. Draghi lors du G20 à Moscou les 15 et 16 février, théâtre habituel des discussions sur les changes.