[06/02/2013 17:00:14] PARIS (AFP) Une modernisation des piliers sur lesquels reposait le salaire minimum depuis plus de 40 ans, mais pas de révolution: le décret entérinant la réforme du Smic, présenté mercredi, ne prévoit pas de lien automatique avec la croissance.
Comme annoncé en décembre par le ministre du Travail, Michel Sapin, cette réforme vise à “moderniser” les critères de revalorisation automatique du salaire minimum, touché par près de 2,6 millions de Français.
L’évolution de la croissance sera désormais “un élément d’appréciation” pour le gouvernement afin de décider d’éventuels “coups de pouce” supplémentaires, en plus de la revalorisation annuelle.
En juillet, reprenant une idée de François Hollande, le Premier ministre Jean-Marc Ayrault avait dit souhaiter “permettre une évolution des règles de revalorisation du Smic visant à mieux intégrer la croissance”.
Après étude, on reconnaissait in fine au ministère du Travail “beaucoup d’inconvénients”, “notamment sa volatilité”, à cet indicateur susceptible d’être révisé pendant trois années.
Dans un rapport publié début décembre, le groupe d’experts sur le Smic avait alerté le gouvernement sur les “dangers” d’une indexation, même partielle, sur la croissance.
L’abandon de ce projet n’a pas suscité de levée de boucliers du côté des organisations syndicales.
Finalement, cette idée “n’apparaissait judicieuse à personne, guère faisable techniquement”, expliquait ainsi Paul Fourier (CGT). Seul le Parti de Gauche avait accusé le gouvernement d’avoir “enterré la promesse du candidat François Hollande”.
“Une différence assez faible”
A partir du 1er janvier 2014, l’indice des prix sera donc modifié pour mieux tenir compte de certaines dépenses (loyer, énergie). Ensuite, le salaire de base servant de référence sera élargi à celui des employés, et plus seulement des ouvriers, dont la part parmi les salariés n’a cessé de baisser (de 40% à 22% entre 1980 et 2008).
Michel Sapin avait estimé qu’il ne s’agissait “pas d’une révolution, mais d’une évolution qui permettra d’être mieux en adéquation” avec “les vraies dépenses de ceux qui sont autour du Smic”.
“C’est exactement ce qu’il fallait faire afin de préserver le pouvoir d’achat de cette population”, juge l’économiste Etienne Wasmer, qui avait plaidé, avec ses collègues du groupe d’experts, en faveur de telles modifications.
Quant aux effets sur les évolutions futures du salaire minimum, l’économiste de Sciences-Po reste prudent. “Il est difficile de savoir ce qui va se passer, mais rétrospectivement, les effets d’une telle réforme auraient abouti à une différence assez faible”, estime-t-il.
L’institut Coe-Rexecode, qui a effectué une simulation sur la période 2000-2012, évalue de son côté que la progression supplémentaire du Smic aurait été de 0,2% par an.
Au bout de douze ans, le différentiel atteint 23 centimes d’euros par heure (8,28 euros au lieu de 8,05, la simulation ne prenant pas en compte les coups de pouce successifs qui ont porté le salaire minimum à 9,43 euros au 1er janvier 2013).
Pour un salarié aux 35 heures, le Smic est depuis cette date de 1.430,22 euros bruts (environ 1.100 euros nets).
Le décret présenté mercredi précise en outre que le groupe d’experts sur le Smic, chargé depuis 2008 d'”éclairer” le gouvernement sur les évolutions du salaire minimum, verra “son fonctionnement évoluer pour renforcer son lien avec les partenaires sociaux”.
La CGT avait réclamé la “suppression” de “ce groupe de libéraux activistes”, après la remise début décembre de leur dernier rapport, qui préconisait d’envisager à long terme une profonde remise en question du salaire minimum (Smic jeunes, Smic régional, remise en cause de la revalorisation automatique…).
Des propositions balayées par le gouvernement, qui a nommé un nouvel économiste à la tête du groupe, François Bourguignon, directeur de l’école d’économie de Paris.