Une femme examine un bijou en or (Photo : Bertrand Guay) |
[07/02/2013 21:09:41] PARIS (AFP) Le monde de la bijouterie-joaillerie vit une petite révolution: avec la crise et le renchérissement du cours de l’or, les ventes de bijoux en or de moindre qualité explosent, et le “375 millième” est entré dans les moeurs en France plus vite que nul ne l’imaginait.
Les mauvaises langues l’appellent “l’or du pauvre”. Certains bijoutiers refusent catégoriquement d’y toucher. Il n’empêche que le succès fulgurant des bijoux en or 375 millième (9 carats) bouleverse désormais le paysage.
Il s’en est vendu en France en 2012 près de trois fois plus qu’en 2011, alors que ces produits en étaient encore au stade de développement embryonnaire il y a quatre ans. De 100.000 unités en 2008, les ventes sont passées à 1,6 million en 2011 puis 4,1 millions en 2012.
“L’or 375 millième est aujourd’hui devenu la référence. C’est le segment numéro un des ventes de bijoux en or en nombre de pièces”, a commenté jeudi Hubert Lapipe, directeur de Société 5, en présentant le bilan annuel du comité professionnel Francéclat (bijouterie-joaillerie-horlogerie-orfèvrerie).
En valeur, le 9 carats ne fait certes pas le poids face au 18 carats, qui a encore généré en 2012 les quatre cinquièmes des ventes de bijoux en or en France, soit 1,9 milliard d’euros – contre 400 milions pour le “petit” or.
Mais la rapidité avec laquelle il a conquis son public en sidère plus d’un dans le secteur, désormais contraint de s’adapter.
Un bijoutier qui avait ainsi “raté” son chiffre d’affaires de Noël fin 2011 faute de stocks de bijoux en or 9 carats a vite corrigé le tir en 2012.
“La raison du succès du 375 millième est simple, c’est le prix”, dit à l’AFP Guy Subra, le président de la fédération HBJO (horlogers, bijoutiers, joailliers, orfèvres) et fondateur des bijouteries Le Donjon.
“Aujourd’hui, la bijouterie ne peut plus se passer de cette gamme. Le consommateur demande souvent ce qu’il y a de moins cher”, affirme-t-il.
“Reconquérir des clientèles perdues”
Car la facture est devenue salée pour les produits en or 18 carats. Le cours de l’or, qui s’était déjà apprécié de 23% en 2011, a encore grimpé de 14% en 2012.
“Pour que le client bascule vers un choix d’or de meilleure qualité, il faut mener tout un travail d’explication. On dit que la couleur n’est pas la même, la durabilité non plus, l’or 375 millième casse plus facilement, il n’a pas la même valeur résiduelle, etc.”, relève M. Subra.
Mais in fine, “il y a l’argument du prix”, dit-il. Pour une chaîne avec médaille, il peut varier du simple au double, selon qu’il s’agit d’or 9 ou 18 carats, passant de 250 à près de 500 euros.
M. Subra souligne toutefois la réticence des clients à acheter certains produits précis en or 9 carats, comme une alliance censée durer pour la vie.
Qu’on se rassure, le 375 millième ne supplantera pas le 750, voué à rester “le principal vecteur de chiffre d’affaires en bijouterie-joaillerie”, lance Hubert Lapipe. Qualité oblige.
Mais “l’or du pauvre” pourrait peut-être permettre d’enrayer la dégringolade des ventes de bijoux en or, dont l’audience a été plus que divisée par deux en une décennie (18 millions d’unités vendues en 2002, moins de 9 millions en 2012). Les ventes de 750 millièmes ont chuté de 19% en 2012.
Les bijoutiers peuvent “utiliser l’or 375 millième pour reconquérir des clientèles perdues”, note M. Lapipe, et “devront absolument pour cela développer les gammes moyennes”.
Alexandre Janot, artiste joaillier qui a lancé ses collections sous la marque Alexandre J, compte résister coûte que coûte. “Je refuse de faire du 9 carats, ou même du 14 carats. Mon fer de lance c’est la qualité”, dit-il à l’AFP. “La France a construit sa renommée internationale sur le 18 carats, nous sommes le seul pays à avoir un poinçon garanti par l’Etat. Il faut préserver cette qualité”.