L’Europe en passe d’adopter pour la première fois un budget pluriannuel en baisse

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ère allemande Angela Merkel le 8 février 2013 à Bruxelles (Photo : Georges Gobet)

[08/02/2013 10:53:06] BRUXELLES (AFP) L’Europe, minée par la crise, se dirigeait vendredi vers un budget d’austérité pour les sept prochaines années, marqué pour la première fois de son histoire par une baisse par rapport à la période précédente.

Les pays exigeant des coupes sévères dans les dépenses comme le Royaume-Uni semblaient en voie d’imposer leurs vues aux défenseurs d’un cadre plus ambitieux comme la France.

Après plus de 15 heures de débats, rencontres bilatérales, apartés ou conciliabules, le président du Conseil européen, Herman Van Rompuy, a présenté au petit matin une nouvelle proposition de compromis en soulignant qu’il visait “un accord” des chefs d’Etat et de gouvernement.

Ces derniers ont interrompu les discussions vers 9H00 GMT et ont rejoint leurs hôtels respectifs pour une courte pause. Les discussions devaient reprendre à 11H00 GMT.

Dans ce texte proposé par M. Van Rompuy, le montant des crédits d?engagement, qui correspondent au plafond autorisé, est de 960 milliards d’euros, et celui des crédits de paiement, soit les dépenses effectives pour les sept prochaines années, de 908,4 milliards d’euros.

De sources européennes, on souligne que cela correspond à une baisse de 3% du budget pour la période 2014-2020 par rapport aux sept années précédentes.

Mais des solutions ont été trouvées pour apporter plus de souplesse à ce budget, a expliqué une source européenne. A l’avenir en effet, l’argent provenant des amendes infligées par l’UE à des entreprises n’ayant pas respecté les règles de la concurrence, par exemple, sera versé au budget européen au lieu d’être redistribué aux Etats.

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évrier 2013 à Bruxelles (Photo : Georges Gobet)

Autre nouveauté, si tous les crédits de paiements ne sont pas dépensés au cours d’un exercice, la somme restante s’ajoutera à ceux de l’exercice suivant, au lieu, là encore, d’être récupéré par les Etats. Selon certains diplomates, cela pourrait représenter 12 milliards supplémentaires.

M. Van Rompuy voulait initialement proposer des engagements à 960 milliards d’euros et des crédits de paiement à 913 milliards. Mais face à la volonté des pays les plus durs, il a dû se lancer dans une nouvelle série de négociations pour trouver un autre équilibre.

Dès son arrivée à Bruxelles jeudi en milieu de journée, le Premier ministre britannique David Cameron s’était montré inflexible. “En novembre, les chiffres présentés étaient vraiment trop élevés. Ils doivent redescendre. Et si ce n’est pas le cas, il n’y aura pas d’accord”, avait-il lancé.

Pour tenir compte de la crise et des restrictions budgétaires imposées dans de nombreux Etats membres, les montants présentés en novembre par M. Van Rompuy étaient déjà en nette baisse par rapport aux demandes de la Commission européenne: 973 milliards pour les engagements et 943 milliards pour les paiements. Mais cette proposition avait été sèchement rejetée par le Royaume-Uni, soutenu par l’Allemagne, les pays nordiques et les Pays-Bas.

Au final, M. Cameron obtient en grande partie satisfaction, avec des crédits de paiement, la mesure la plus concrète pour son opinion publique, en nette baisse.

Les partisans d’un cadre plus généreux, notamment la France et l’Italie, pourront dire qu’ils ont limité la casse, avec un montant d’engagements de 960 milliards.

“C’est un compromis pas mirobolant, mais acceptable”, a confié une source française.

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ésident français François Hollande et le président du Parlement européen Martin Schulz, le 7 février 2013 à Bruxelles (Photo : John Thys)

Le président français François Hollande avait déclaré jeudi qu’il n’y aurait “pas d’accord” si le budget devait “oublier l’agriculture et ignorer la croissance”. Mais il avait aussi assuré de sa volonté de “compromis”.

Les deux principales politiques de l’UE sont épargnées. La Politique agricole commune (PAC), dont la France est le premier bénéficiaire, gagne un peu plus d’un milliard par rapport à la dernière proposition Van Rompuy en novembre. Les fonds de cohésion pour les régions les plus défavorisées de l’UE, notamment dans les pays de l’Est, obtiennent 4,5 milliards supplémentaires.

Un nouveau fonds pour l’emploi des jeunes, annoncé en début de semaine par M. Van Rompuy, sera doté de quelque six milliards d’euros.

Pour parvenir à une baisse substantielle du budget, sans amputer la PAC et la Cohésion, l’essentiel des coupes devraient être opérées dans l’enveloppe demandée pour les infrastructures. Elle est amputée de plus de 10 milliards d’euros, à un peu plus de 29 milliards.

Les fonctionnaires de Bruxelles, dans le collimateur de David Cameron, devront se serrer la ceinture d’un cran, avec 1,5 milliard de moins que ce que la Commission européenne demandait au départ.

Côté recettes, les pays bénéficiant de rabais, le Royaume-Uni en premier lieu, mais aussi l’Allemagne, les Pays-Bas et la Suède, pourront les conserver. Le Danemark obtient à son tour la ristourne qu’il demandait.

Mais le Parlement européen, qui doit voter le budget à la majorité absolue, menace de rejeter un tel accord. “Plus vous vous éloignerez de la proposition de la Commission, plus il est vraisemblable que votre décision se heurtera à un refus du Parlement européen”, a mis en garde jeudi soir son président Martin Schulz.

“Si nous poursuivons de la sorte, avec des engagements plus élevés que les paiements réels, nous risquons un déficit budgétaire structurel”, a-t-il expliqué.