ésence de vidéosurveillance à Paris le 16 janvier 2012 (Photo : Jacques Demarthon) |
[08/02/2013 13:25:10] PARIS (AFP) “Un beau jour, on nous a installé des caméras. Au début, on ne savait pas trop quoi en faire”, confie le commandant de police parisien, Christine Bousch. Quelques années plus tard, elle est la meilleure avocate de la vidéosurveillance, “outil fantastique” qui a permis d’élucider de nombreuses affaires.
Distributeurs de billets, places sensibles, quais de métro… A la Préfecture de police de Paris, les murs de la Salle d’information et de commandement (Sic) sont des écrans.
La Direction de la sécurité de proximité de l’agglomération parisienne (DSPAP) a accès aux images filmées par les 14.000 caméras de la RATP et de la SNCF, ainsi que par les 1.000 caméras installées sur la voie publique par la préfecture, dans le cadre du plan d’équipement (PVPP) lancé il y a un an.
Les premières représentent un maillage extraordinaire, mais sont fixes et ne conservent les images que durant trois jours. Moins nombreuses, les secondes présentent d’autres avantages: elles permettent de zoomer, sont mobiles et les images conservées trois mois.
Impossible pourtant de deviner ce qui se passe derrière les vitres des immeubles: les images sont floutées en hauteur pour préserver la vie privée. “Il faut démystifier cette image du policier en train de surveiller les gens dans la rue”, s’agace le commandant Bousch, qui dirige la Sic depuis dix ans, d’autant que “dans une démocratie comme la nôtre, la Cnil a prévu de multiples verrous”.
En 2007, Nicolas Sarkozy fait de la “vidéoprotection” l’un des axes de sa lutte contre le terrorisme, estimant que les caméras ont joué un rôle-clef dans l’enquête sur les attentats de Londres deux ans plus tôt.
Au début, enquêteurs et magistrats n’y pensent pas et les enregistrements sont écrasés au bout de deux ou trois jours. Désormais, “c’est devenu un réflexe immédiat”, se réjouit le procureur de la République de Lyon, Marc Cimamonti, qui salue l’objectivité et l’efficacité de telles preuves.
“pain bénit”
Dès les premières minutes qui suivent une infraction, les images permettent de “lever le doute”, explique le commandant Bousch. Ainsi à Paris, une à deux personnes meurent quotidiennement percutées par un train ou un métro. “La première chose qu’on fait: on vérifie qu’il s’agit d’un suicide –dans 95% des cas– ou plus rarement d’un accident ou d’un pousseur.”
Vient ensuite l’enquête judiciaire. “C’est du pain bénit quand un malfaiteur s’engouffre dans le métro”, apprécie la policière. Il est alors suivi quasiment à la trace.
éra de vidéosurveillance à Lyon (Photo : Fred Dufour) |
Parfois, “il commet même l’erreur de toucher quelque chose”. Ainsi de ce jeune qui après avoir agressé une femme a posé sa main sur le carrelage du métro. Identifié grâce à ses empreintes, il a pu être arrêté. En un an, le PVPP aurait permis de procéder à quelque 3.500 interpellations.
Selon le délégué interministériel à la Sécurité privée, Jean-Louis Blanchou, 42.000 caméras ont été installées sur la voie publique par des collectivités locales. Mais si l’on recense toutes celles soumises à autorisation (dans les banques, les hôtels…), le chiffre grimperait à près d’un million!
Si Paris ou Lyon sont richement dotées, “il n’est pas rare que de petites communes commencent à s’équiper”, assure le directeur général de l’Association nationale de la vidéoprotection (AN2V), Rémi Fargette, qui constate “une montée en flèche des réquisitions faites par la police et la gendarmerie aux différents exploitants”.
“Le pire que ‘j’ai vu”
Pour le doyen des juges d’instruction lyonnais, Bertrand Nadau, “certaines affaires n’auraient sans doute pas été résolues sans les caméras”. Une fois confrontés aux images, les suspects qui “au départ reconnaissaient les faits a minima”, sont “contraints de prendre leur part de responsabilité”.
On l’oublie, mais les caméras interviennent aussi à décharge. “L’exemple qui a le plus traumatisé” le commandant Bousch, “c’est cette histoire, il y a quelques années, dans une station du nord de Paris”.
“Quatre personnes, se souvient-elle, nous signalent qu’à 6H30 un individu de type pakistanais avec un sweat-shirt rouge a poussé quelqu’un sous le métro, avant de s’enfuir.” Les témoins sont formels, l’information reprise partout.
Les images de la RATP racontent pourtant un tout autre scénario: on y voit un homme ivre tituber, s’appuyer contre le métro et tomber sur les voies où moment où la rame redémarre. Quelques minutes plus tard, un Pakistanais vêtu de rouge arrive pour prendre son métro, se penche sur les voies, lève les bras au ciel, visiblement horrifié, et se sauve. Ensuite, c’est l’histoire de quatre témoins qui se sont faits un film…
Grâce aux caméras, le suspect a échappé aux assises. “C’est un cas d’école. Le pire que j’ai vu”, commente Christine Bousch, en pointant “la fragilité du témoignage humain”.
“Les images parlent mieux que les auditions”, renchérit le commissaire Muriel Sobry du 5e arrondissement de Paris. “Souvent, les victimes sont choquées ou alcoolisées, et n’ont pas de souvenirs clairs. Les images nous permettent de voir que l’agresseur n’est pas forcément celui qu’on croit. Ou de contredire des menteurs chevronnés.”
“C’est vrai que les images peuvent être très dures, reconnaît Olivier Leurent, président d’assises à Paris, mais la manifestation de la vérité passe souvent par des moments d’émotion et il n’y a pas de raison de les gommer”. Leur visionnage “enrichit le débat judiciaire”.
Aux yeux du juge Nadau, la seule limite est “technique”: “c’est dommage d’avoir un outil pareil, mais aussi peu exploitable”, regrette-t-il, évoquant des images parfois de “très mauvaise qualité”, alors que dans d’autres pays comme l’Allemagne, “on pourrait compter les grains de beauté sur le visage des gens”.