Les industriels prudents sur le filon du “gaz en marinière”

photo_1360343469008-1-1.jpg
évrier 2013 (Photo : Jeff Pachoud)

[08/02/2013 17:14:52] PARIS (AFP) Le secteur pétrolier et gazier se montre prudent sur le potentiel du gaz de houille en France, tout en saluant l’appui du ministre Arnaud Montebourg à son extraction, possible sans la technique bannie et honnie de la fracturation hydraulique.

Le bouillonnant ministre du Redressement productif, déjà favorable à l’exploitation du gaz de schiste à condition qu’elle respecte l’environnement, a lancé le débat sur un cousin a priori plus acceptable, le gaz de houille.

Un “gaz made in France, un gaz en marinière en quelque sorte qui pourrait assurer entre 5 et 10 ans de consommation”, et donc autant de moins à importer, a souligné M. Montebourg en début de semaine.

Il s’agit -comme le gaz de schiste- d’une forme de gaz naturel “non conventionnel”, par opposition aux grandes poches souterraines des gisements classiques.

Ce gaz est tout simplement du “grisou”, du méthane enfermé dans les veines de charbon. Mais contrairement au gaz de schiste, son extraction ne nécessite pas de recourir à la fracturation hydraulique pour le récupérer, à condition que les couches de charbon soient naturellement fracturées.

Les déclarations de M. Montebourg sont allées droit au coeur des industriels, échaudés par l’interdiction de la fracturation hydraulique en 2011 qui, regrettent-ils, a jeté l’opprobre dans l’opinion sur toute l’exploitation pétrolière et gazière.

2% de la production gazière totale

“On espère que l’opinion bougera un peu en faveur de la production d’hydrocarbures sur notre territoire. Nous importons 98% de notre gaz et ce que l’on produit, c’est autant qu’on n’aura pas à importer. Il faut le faire comme il faut, mais on ne peut pas passer à côté de ce genre de potentiel”, a déclaré à l’AFP Jean-Louis Schilansky, président de l’Union française des industries pétrolières (Ufip).

Les industriels rappellent que la ressource n’est pas nouvelle, même si l’on commence tout juste à en parler en France, avec les projets d’exploration de la société EGL en Lorraine.

“C’est une production qui est connue depuis longtemps aux Etats-Unis et qui aujourd’hui se développe, notamment en Australie”, a rappelé la semaine dernière Olivier Appert, président de l’Institut français du pétrole et des énergies nouvelles (IFPEN).

Selon lui, la production mondiale annuelle de ce gaz représente “70 milliards de mètres cubes, dont 50 aux Etats-Unis”. Soit seulement 2% de la production gazière totale.

M. Appert rappelle qu’en France, la société Gazonor exploite déjà depuis des années une forme particulière de gaz de houille dans le Nord-Pas-de-Calais, du “coal mine methane”, du grisou s’échappant d’anciennes galeries de charbon désaffectées.

Mais le patron de l’IFPEN souligne qu’il faut distinguer ce qu’il y a dans le sous-sol et les “réserves” susceptibles d’être réellement exploitées.

Or, les chiffres qui circulent actuellement, évoquant un potentiel représentant au moins plusieurs années de consommation nationale, portent sur la première catégorie, et il reste à savoir s’ils sont exploitables économiquement et techniquement.

Une prudence partagée par l’Ufip: exploiter le gaz de houille, “on ne sait pas encore si c’est économiquement rentable en France. C’est un peu prématuré pour le dire”, admet M. Schilansky.

Le charbon doit notamment être déjà suffisamment fracturé et il ne faut pas avoir à pomper trop d’eau, ces eaux dites “d’exhaure” qu’il faut ensuite traiter en surface.

La ministre de l’Ecologie et de l’énergie Delphine Batho, quant à elle, est sur la défensive.

Elle a commandé un état des connaissances sur ce sujet et prévenu mardi qu’il était prématuré de dire que le gaz de houille allait modifier la donne énergétique française, car “la démonstration n’a pas encore été faite qu’il y avait une exploitation possible dans des conditions économiques rentables”.