Le chef du gouvernement provisoire, Hamadi Jebali, a réitéré, vendredi 8 février, sa décision de former un gouvernement de technocrates dont les membres n’appartiendront pas à des partis politiques. Il s’est dit convaincu que c’est la meilleure solution pour éviter à la Tunisie davantage de tension.
Les ministres seront choisis sur le critère de la compétence, de l’indépendance, de la non appartenance à des partis, de la non implication dans des affaires de corruption sous l’ancien régime et l’engagement à ne pas présenter sa candidature aux prochaines élections.
Jebali s’est dit convaincu de l’appui du mouvement Ennahdha en faveur de sa décision pour le «sauvetage du pays». Et d’ajouter: «je suis sûr que la voix de la sagesse l’emportera dans l’intérêt du peuple».
Il a précisé que s’agissant d’un remaniement et non d’une démission, le texte portant organisation des pouvoirs lui permet de ne pas demander l’aval de l’Assemblée nationale constituante (ANC).
Les experts au chevet de l’initiative de Hamadi Jebali
Pour Ahmed Ouerfelli, la première déclaration du chef du gouvernement a été interprétée comme se rapportant à la formation d’un nouveau gouvernement, ce qui nécessite «la démission du gouvernement actuel, et la désignation de la personne qui se chargera de la formation d’un nouveau gouvernement, conformément aux articles 15 et 19 de la loi constituante n°6 de l’année 2011, en date du 16 décembre et relative à l’organisation provisoire des pouvoirs publics».
Après sa dernière intervention, le vendredi 8 février 2013, Hamadi Jebali, tout en affirmant sa détermination à aller jusqu’au bout de son initiative, a tenu à préciser qu’il compte procéder à un remaniement et qu’il ne s’agissait pas d’une démission de son gouvernement, ce qui lui permet de se référer à l’article 17 de la loi d’organisation des pouvoirs provisoires. En effet, «l’article 17 permet au chef du gouvernement de créer, modifier ou supprimer des ministres et des secrétaires d’Etat et de définir leurs compétences et lui permet donc de changer de ministre».
Les positions des partis de la Troïka
Hamadi Jebali avait insisté, à plusieurs reprises, que son initiative est personnelle et qu’il n’a consulté personne y compris son parti Ennahdha. Il a expliqué que cette initiative a été prise de par sa conviction que l’intérêt du pays l’exige et que c’est la seule solution pour éviter à la Tunisie de plonger dans le chaos.
Surpris par cette décision, son parti Ennahdha rejette cette initiative et n’a visiblement pas aimé d’être bousculé et de perdre son contrôle sur le gouvernement. Une décision écrite devrait être transmise au chef du gouvernement lundi; mais on voit mal le Conseil de la Choura accepter d’être soumis à une décision unilatérale du chef du gouvernement et surtout de courir le risque de voir les acquis des derniers quatorze mois de gouvernement remis en cause (nominations, contrôle direct ou indirect sur les rouages de certaines institutions…).
Position probable d’Ennahdha: NON
Pour le CPR, les choses ont été tranchées. C’est NON et il vient, samedi dernier, de confirmer la démission de ses trois ministres (Emploi, Domaines de l’Etat et ministère de la Femme, en plus de deux secrétaires d’Etat).
Le porte-parole officiel d’Ettakatol, Mohamed Bennour, a affirmé, samedi 9 février, que son parti ne s’oppose pas à la formation d’un gouvernement de compétences indépendantes «comme annoncé par le chef du gouvernement provisoire, Hamadi Jebali».
Le scénario le plus probable
A moins d’une surprise de dernière minute de la part d’Ennahdha, on s’achemine vers la poursuite de l’initiative de Hamadi Jebali, l’annonce d’un nouveau gouvernement en milieu de semaine, une levée de bouclier des partis de la Troïka, mais également de l’opposition.
La contre-offensive devait se mettre en place très rapidement, dirigée par Ennahdha, suivi par le CPR et d’autres proches du mouvement Ennahdha qui ne disposent que d’une option, qui est de présenter une motion de censure pour faire tomber le gouvernement Jebali et désigner un nouveau chef de gouvernement issu d’Ennahdha. Jebali avait prévu cette éventualité et a affirmé qu’il était prêt à partir.
La motion qui doit être voté par la majorité des élus peut-elle ne pas passer? Ce n’est pas impossible, si on considère que le tiers des élus d’Ennahdha pourrait soutenir Jebali et que logiquement l’écrasante majorité de l’opposition, y compris Ettakatol, devrait se prononcer en faveur de Jebali.
Maintenant, le scénario catastrophe n’est pas impossible et, dans ce cas, il est difficile d’imaginer comment la Tunisie peut éviter une situation de chaos; avec un nouveau chef de gouvernement et une un nouveau feuilleton de marchandages de plusieurs semaines encore. Dans l’intervalle, l’économie sera bloquée, une amplification du risque sécuritaire et le pourrissement de la situation sociale.
Mercredi, à l’annonce de l’assassinat de feu Chokri Belaid, la Bourse de Tunis avait enregistré sa plus importante chute depuis longtemps, jeudi, et après l’annonce de l’initiative Jebali, la Bourse s’est reprise.
A méditer.