La Tunisie vit ces jours-ci sa première grande crise institutionnelle et politique depuis la révolution. On trouvera des excuses pour cet emballement général qu’on sent dans les états major des partis politiques et chez les journalistes qui ne craignent pas une surdose de dramatisation quand manquent d’autres ingrédients plus professionnels.
Les termes de la crise sont connus. Jebali, qui décide de former un gouvernement de compétences non-partisanes, accule son parti Ennahdha à avouer son échec dans la conduite du pays, fait éclater la fragile Troïka qui gouvernait difficilement, et remet même en cause le rôle de l’ANC dans la conduite des affaires de la nation en tant que «pouvoir principal».
Toutes les cartes politiques du moment se sont mélangées le mercredi 6 février 2013, jour de l’assassinat de Chokri Belaïd! La proposition de Hamadi Jebali vient comme un coup de tonnerre qui perturbe le petit remue-ménage qu’exerçait Ennahdha jusqu’à ce jour-là à l’encontre de se deux alliés, le CPR et Ettakatol! Le président du gouvernement avait déjà pensé, affirme-t-il, à ce scénario avant le 6 février devant l’impasse du remaniement ministériel du week-end du 2 février!
A vrai dire, ce scénario d’un gouvernement de technocrates s’est imposé à Jebali devant plusieurs indices conduisant à une vraie crise de gouvernement! Les mois écoulés, notamment depuis octobre 2012, dans des palabres interminables, ont démontré que la Troïka ne tenait en fait qu’à un fil et que le parti de Jebali est mis sous la coupe de son aile dure appuyée par Ghannouchi lui-même. Ces faucons croient que le durcissement des positions sur tous les sujets est de leur droit et qu’ils peuvent, enfin de compte, faire ce qu’ils veulent de leurs deux alliés et du pays.
Entre-temps et sur l’autre versant de la scène politique, les choses ne sont pas meilleures pour les opposants bien que quelques bons indices s’accumulent de sondage en sondage et après chaque mauvais pas du gouvernement ou des partis de la Troïka! En effet, l’Union Pour la Tunisie regroupe certes les meilleures forces de la place mais elle peine à se former et surtout à s’affirmer. Le Front Populaire a le vent en poupe mais son discours, encore entaché de radicalisme, gêne plus d’un au sein même de la famille de gauche!
Au sein de l’ANC, les choses traînent à l’extrême et la direction de Ben Jaafar laisse à désirer et le processus de l’adoption de la Constitution est au ralenti tandis que l’absentéisme fait le bonheur de ce camp ou l’autre selon les cas. Les membres de l’ANC ne cessent de se donner en spectacle toujours plus affligeant et encore plus grave tandis que l’avenir du pays est entre leurs mains!
Pour ne rien arranger, la présidence de la République, bien qu’elle essaye de temps à autres de faire de son mieux, son engagement ou ses positions non réfléchis font craindre le pire. Il faut savoir à ce propos que Moncef Marzouki avait jeté un pavé dans la marre quand il a déclaré, en pleine crise de Siliana, que le pays a besoin d’un gouvernement de compétences réduites! Il se rétractera ensuite sous la pression d’Ennahdha pour dire que son idée concerne les ministères «techniques»!
Ce tableau là a pesé énormément dans la prise de position de Jebali vers le gouvernement de technocrates. Maintenant, est-ce qu’il sera à même d’aller jusqu’à bout? Là est la vraie question, le reste c’est du déjà ou entendu.